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 - 17 mai 2025 - Saint Pascal Baylon
Publié le : 21 novembre 2005 Source : Zenit.org
 

 

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Entretien avec un témoin du martyre de José Sánchez del Río, béatifié dimanche (I)

ROME, Mardi 22 novembre 2005 (ZENIT.org) – Parmi les témoins du martyre de José Sánchez del Río, un jeune Mexicain de 14 ans béatifié ce dimanche à Guadalajara, figurait Marcial Maciel, un enfant d’à peine huit ans qui allait devenir le fondateur de la congrégation des Légionnaires du Christ et du mouvement « Regnum Christi ».

La Légion du Christ compte environ 650 prêtres et 2.500 séminaristes. Le mouvement d’apostolat Regnum Christi compte 65.000 membres laïcs (hommes et femmes), diacres et prêtres, répartis à travers le monde.

Dans cet entretien accordé à Zenit, le père Maciel, âgé aujourd’hui de 85 ans, nous fait revivre le martyre de son jeune ami. Nous publions ci-dessous la première partie de cet entretien.

Zenit : Vous avez été témoin du martyre de José Sánchez del Río au Mexique. Près de 80 ans plus tard, quels sont vos souvenirs de cet événement ? Comment aviez-vous connu José Sánchez ?

P. Maciel : José Luis – comme l’appelaient ses amis – était de Sahuayo, dans le Michoacán, une ville située non loin de Cotija, où j’étais né. Ma grand-mère maternelle, Maura Guízar Valencia, habitait là-bas et nous allions souvent la voir. J’avais 6 ans de moins que José Luis. Il aimait organiser des jeux pour les enfants, il nous parlait de Jésus. Je me souviens qu’il m’emmenait faire des visites au Très Saint Sacrement. Il était très bon.

Lorsque commença la persécution religieuse, il voulut se joindre aux cristeros pour défendre la foi. Il demanda plusieurs fois la permission et à la fin, ils l’accueillir. En février 1928 – j’avais sept ans, presque huit – je me trouvais à Sahuayo lorsque la nouvelle nous parvint que José Luis avait été arrêté et qu’ils l’avaient enfermé dans le baptistère de la paroisse.

Une fenêtre donnait sur la rue d’où nous l’entendions chanter « Au Ciel, au Ciel, au Ciel je veux aller » en attendant sa sentence. L’armée fédérale utilisait la paroisse comme prison et comme basse-cour. Rafael Picazo, qui était à la tête de la ville de Sahuayo, posait comme condition pour sa libération qu’il renie sa foi devant lui et devant ses soldats.

Nous l’avons tous su. Nous étions très inquiets, dans un état d’émotion et de tristesse épouvantable. Ses amis se réunirent pour prier pour lui. Nous pleurions beaucoup, demandant à la Très Sainte Vierge qu’ils ne le tuent pas mais qu’en même temps il ne renie pas sa foi. Et d’ailleurs, José Luis n’en avait aucune intention.

Deux jours plus tard, dans l’après-midi, nous avons appris qu’ils l’avaient emmené au « mesón del Refugio ». Ce soir-là, ils lui coupèrent la plante des pieds et l’obligèrent à marcher pieds nus jusqu’au cimetière, situé quelques rues plus loin. Nous – quelques membres de sa famille, des amis, des personnes de la ville qui le connaissaient – le suivions de loin. Je me souviens des traces de sang laissées par ses pas. Il avait les mains attachées dans le dos. Je me souviens que les soldats le poussaient et l’insultaient, exigeant qu’il cesse de crier « Vive le Christ Roi ! ». Sa réponse était toujours la même : « Vive le Christ Roi et Sainte Marie de Guadalupe ! ». On ne nous laissa aller que jusqu’au mur du cimetière. Il le placèrent près de la fosse. On dit qu’ils l’ont poignardé à plusieurs reprises, insistant pour qu’il renie sa foi. Il répondait toujours : « Vive le Christ Roi et Sainte Marie de Guadalupe ! ». Son père n’était pas avec nous. Il n’était pas là. Ils lui demandèrent d’un air moqueur : « Qu’est-ce que tu envoies dire à ton père ? ». « Que nous nous verrons au ciel », répondit-il.

Ils finirent par lui tirer une balle dans la tempe. J’entendis le coup de feu qui avait mis fin à sa vie. Vous vous imaginez combien cela nous marqua, surtout les enfants. Je garde un souvenir très beau, d’une grande tendresse, de cet ami qui donna sa vie pour le Christ. Il a toujours été pour moi un témoignage de ce que signifie l’amour authentique pour le Christ. Je me souviens de lui avec un peu de nostalgie aussi. Je disais à Notre Seigneur : « Pourquoi l’as-tu choisi pour souffrir le martyre et moi, tu m’as laissé ? »

Zenit : Comment ce témoignage de martyre a-t-il influencé votre vie personnelle et l’œuvre que vous avez ensuite entreprise, la fondation de la Légion du Christ et de « Regnum Christi » ?

P. Maciel : Comme je l’ai dit, le martyre de José Luis a laissé en moi une marque profonde, ineffaçable : sa mort a contribué à faire germer en moi la certitude que la foi vaut plus que la vie elle-même. Sa mort me parlait de la valeur éternelle d’une vie totalement donnée par amour pour le Christ ; elle a fait germer en moi une soif d’éternité… mais pas seulement celle de José Luis.

Dans mon village de Cotija, pendant la guerre des Cristeros, nous voyions souvent des personnes qui avaient été pendues sur la place ou nous étions témoins de fusillades de cristeros qui mourraient en criant « Vive le Christ Roi ! ». Ils laissaient peut-être derrière eux une famille, des enfants, une mère… Combien de parents encourageaient leurs enfants à ne pas renier leur foi !

J’ai assisté au martyre d’Antonio Ibarra, un musicien de ma ville, de Leonardo et de plusieurs autres ; je garde encore gravés dans ma mémoire certains de ces visages et certaines de ces scènes ; particulièrement la scène où l’on descendait Antonio du gibet et où on le plaçait entre les bras et sur le sein de sa mère, Isabel Ibarra. Ceux qui furent martyrisés dans de nombreuses villes du Mexique étaient issus de toutes les classes : il y avait des enfants, des jeunes, des adultes, des hommes, des femmes, des riches, des pauvres, des prêtres, des fidèles laïcs.

Je crois que ce témoignage du martyre de tant de chrétiens qui ont préféré verser leur sang plutôt que trahir le Christ, a effectivement eu une grande influence sur ma propre vie et ma mission de fondateur car c’était un témoignage qui faisait, pour ainsi dire, revivre la foi héroïque des premiers chrétiens.

Ce témoignage m’a aidé à comprendre que la vie chrétienne, pour être cohérente, doit être totalement donnée à Jésus Christ. Un christianisme de demi-mesure, fait de compromis, qui « allume une bougie à Dieu et une autre au diable » (comme dit le dicton populaire), n’est pas du christianisme.

J’aurais aimé donner ma vie, comme le fit José Luis Sánchez del Río, comme le firent les centaines, les milliers de martyrs cristeros ; mais j’ai compris que Dieu me demandait un autre type de martyre, celui de vivre l’Evangile jusqu’à ses ultimes conséquences ; et c’est cela, en définitive, qui est derrière la fondation de la Légion du Christ et du mouvement « Regnum Christi » : aider d’autres hommes à s’engager à connaître, vivre et transmettre l’amour de Jésus Christ.

Lorsque vint le moment de choisir un nom pour la congrégation que l’Esprit Saint me conduisait à fonder, j’ai cherché dans mon esprit différents noms et le souvenir du témoignage des cristeros m’aida à comprendre que le nom qui pouvait le mieux décrire notre mission était celui de « Légionnaires du Christ » : des hommes qui vont au combat pour le Royaume du Christ, sans rien garder pour eux, disposés à donner leur vie.



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