Publié le : 16 août 2013 Source : Zenit.org
Les newsPour une guerre contre la guerreRite romain (Rite ambrosien, pour le diocèse de Milan 1 L’épée transformée en charrue L’évangile de ce dimanche décrit Jésus, en chemin vers Jérusalem où l’attend la mort sur la croix, qui dit à ses disciples : « Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division (dans le texte de Matthieu 10,34, on parle d’ « épée »). Et il ajoute : « Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère » (Lc 12,51-53). En parlant ainsi, Jésus ne contredisait pas son enseignement, qui était et qui est le message de paix par excellence. C’est lui qui « est notre paix » (Ép 2,14), il est mort et ressuscité pour abattre le mur de l’inimitié et inaugurer le Royaume de Dieu qui est amour, joie et paix. En fait, Jésus-Christ voulait dire qu’il était venu apporter la guerre contre le mal, qui est offense, contre le malin qui tue l’âme et le corps, contre le monde qui suit le malin et devient un lieu de conflit permanent. Nous pouvons considérer ses paroles comme une déclaration de guerre à la guerre. Une guerre contre le mal, parce que la guerre humaine est un mal en surface, mais derrière, il y a le grand mal apporté par le diable[i], lui qui personnifie l’amour-du-néant. Plusieurs siècles avant, le prophète Isaïe avait proclamé : « Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes » (Is 2,4), ce que Jésus a accompli en devenant « Arator pacis »[ii], c’est lui le semeur, l’agriculteur qui met la main à la charrue, qui « divise », ouvre la terre pour qu’elle puisse recevoir la graine. Nous sommes la terre, si nous accueillons la semence qui vient de son côté transpercé, nous produirons non pas une herbe qui se dessèche aussitôt mais nous deviendrons avec lui et en lui un froment de vie. Le fruit du travail de cet « Arator pacis » est la paix de l’amour, d’un amour qui non seulement se donne à nous, mais qui nous transforme en lui. Et de même que Dieu est vraiment l’amour qui nous aime, ainsi nous devenons l’amour qui aime ; transformés par lui, nous devenons amour, comme lui-même est l’amour ! Et nous sommes dans sa paix. Ceux donc qui veulent le suivre dans cette "opération-concorde"[iii] doivent faire la même chose et frapper la guerre dans son origine qui est l’amour propre, c’est-à-dire un amour désordonné de soi qui devient amour des richesses, orgueil de ce que l’on a, envie de celui qui a plus, mépris des pauvres. 2 Soldats pour une guerre contre la guerre Pour cette guerre contre la guerre, Jésus use d’une stratégie étrange quant au choix des soldats, aux moyens à utiliser et aux ordres (ce serait plus juste de parler d’indications, de paroles d’amour) à exécuter. Pour faire la guerre à la guerre, le Seigneur de la paix a voulu choisir les soldats les plus faibles. Par un mystérieux dessein, il a choisi des personnes pauvres et considérées comme médiocres par l’opinion publique, pour que resplendisse encore davantage le prodige de la surhumaine victoire posthume. À ces piètres soldats, le Christ n’a concédé ni bourse, ni besace, ni sandales et encore moins d’armes. En outre, il les a envoyés comme des agneaux au milieu des loups, comme des êtres bienfaisants au milieu de bêtes féroces, leur donnant l’ordre de ne pas se laisser dévorer et de rendre les dévoreurs d’agneaux doux comme leurs anciennes proies. Les apôtres[iv] ont été fidèles à cet absurde sublime de celui qui les envoyait. Et, comme le Christ, ils ont apporté la paix et la guerre. En fait, il faut garder présent à l’esprit que si l’évangile, dans un premier temps, a été et est encore la cause de séparations et de disputes, ce n’est pas la faute des vérités que l’évangile enseigne, mais cela vient du fait que ces vérités n’étaient pas et ne sont toujours pas pratiquées par tous. Ce que je désire souligner ici, c’est que l’accomplissement chrétien de la paix ne se réalise pas sur le plan social et politique, mais en direction de la profondeur du cœur. Comment, alors, se réalise la bataille pour la paix dans le christianisme ? De même que le mal a envahi le monde par le péché des hommes et en les séparant de Dieu, ainsi la rédemption chrétienne réconcilie avant tout l’homme avec Dieu. Cette réconciliation ne peut se réaliser que dans le centre le plus intime de l’âme, là où seul l’homme peut à nouveau rencontrer Dieu dans le Christ. La paix, fruit de cette réconciliation avec le Christ, ne peut être qu’une paix intérieure qui irradie ensuite à l’extérieur vers le monde entier. Si nous voulons être des soldats de paix, il est nécessaire et urgent de revenir à une pleine et vive conscience de la centralité du Christ. Jésus n’est pas une excuse pour parler d’autre chose et il doit revenir au centre de nos intérêts principaux et de toute expérience ecclésiale. Il doit aussi être en nous l’inspirateur déterminant et efficace de tout engagement religieux, ecclésial, culturel et social. L’appartenance au Christ ressuscité, « centre du cosmos et de l’histoire », comme l’a écrit Jean-Paul II dans sa première et inoubliable encyclique Redemptor hominis, définit toute la compréhension de notre "sequela" comme chrétiens. Ainsi, tout geste naît en nous comme une réponse à l’avènement de Jésus de Nazareth et comme un désir de participer au but pour lequel il est entré dans le temps et dans l’espace du monde. Si l’on demandait à n’importe qui, au temps des évangiles : « As-tu entendu parler de Jésus ? » et si celui-ci, par la suite, le rencontrant sur les routes poussiéreuses de Palestine, lui avait demandé : « Mais toi, quel est ton nom, comment t’appelles-tu ? », Jésus aurait pu répondre : « Je suis l’envoyé (missus, en latin – apostolos, en grec) du Père ». Ces paroles définissent la nature nouvelle de notre existence régénérée par la rencontre avec le Christ. Nous avons été appelés à être, comme lui, « les envoyés, les envoyés du Père ». Dans ce mandat "apostolique", on retrouve la forme de vie particulière des vierges consacrées qui répondent à la vocation à la virginité parce que le Christ est le centre affectif (et aussi rationnel) de leur vie et pour rappeler au monde entier que l’on vit pour le Christ. Vivre dans la consécration veut dire vivre sa vie en paix, parce que la nuit n’est plus la nuit, la mort n’est plus la mort et la virginité est un sacrifice pour être dans les bras aimants du Seigneur, auquel on s’abandonne totalement. Vivre la consécration virginale veut dire être comme Jésus « signe de contradiction » (Lc 2,34) et être, comme la Vierge Marie, des mères du Christ, des mères de l’homme nouveau. Les vierges consacrées témoignent que nous sommes créés pour aimer et que notre véritable et réel bonheur est d’être "possédés" par le Christ, en qui le cœur humain peut reposer et être satisfait. Comme l’affirmait le cardinal John H. Newman[v] : « La foi peut rendre serein, mais l’amour nous rend heureux ». Lecture patristique « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » [i] Le terme de "diable" vient du latin diabolus, traduction qui date de la première version de la Vulgate (traduction latine de la Bible, faite au Veme siècle après J.C.), du terme grec Διάβολος, diábolos, ("diviser", "celui qui divise", "calomniateur", "accusateur" ; du grec διαβάλλω, dia-bàllo, verbe formé de dia "à travers, par" et bàllo "je jette, je mets", donc je jette, je chasse à travers, je transperce, métaphoriquement je calomnie). En grec classique διάβολος était un adjectif qui dénotait quelque chose ou quelqu’un qui était un calomniateur et un diffamateur ; le terme était utilisé au IIIeme siècle après J.C. pour traduire, dans la traduction grecque de la Bible dite des "Septantes", le terme hébreu Śāṭān ("adversaire", "ennemi", "celui qui s’oppose", "accusateur en jugement", "contradicteur", rendu dans les écrits chrétiens par Satan et compris ici comme "adversaire, ennemi de Dieu"). [v] Lorsqu’il fut créé cardinal, le bienheureux John Henry Newman (1801-1890), converti de l’anglicanisme, choisit pour devise « Cor ad cor loquitur » ( Le cœur parle au cœur). Ce fut un grand théologien et le fondateur des Oratoriens de Saint Philippe Neri, en Angleterre. Sa devise reprend les mots choisis pour ses armoiries lorsqu’il devint cardinal en 1879 ; elles sont de Saint François de Sales, pour lequel il avait une grande dévotion. Cette devise permet de pénétrer sa compréhension de la vie chrétienne, vue comme un appel à la sainteté, expérimentée comme le désir intense du cœur humain d’entrer en communion intime avec le cœur de Dieu. Traduction d’Hélène Ginabat Zenit.org, 2006. Tous droits réservés - Pour connaitre les modalités d´utilisation vous pouvez consulter : www.zenit.org ou contacter infosfrench@zenit.org - Pour recevoir les news de Zenit par mail vous pouvez cliquer ici |