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 - 22 juin 2025 - Saint Thomas More
Publié le : 12 juin 2012 Source : Zenit.org
 

 

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Allocution du card. Bertone à l’Université pontificale de Cracovie

ROME, mardi 12 juin 2012 (ZENIT.org) – « L’université catholique sera fidèle à son identité ecclésiale si elle continue elle aussi à être ou si elle redevient une université essentiellement missionnaire », déclare le cardinal Bertone à l’Université pontificale Jean-Paul II de Cracovie.

Le cardinal Secrétaire d’Etat était en effet en Pologne pour recevoir un doctorat honoris causa qui lui a été remis vendredi 8 juin. L’édition italienne de L’Osservatore Romano du 8 juin publie des extraits de la lectio magistralis qu’il a prononcée à cette occasion et qui était intitulée « Pourquoi il est important que les universités catholiques soient impliquées dans la nouvelle évangélisation – Au monde en malaise, faute de pensée ».

« Face à ce que Benoît XVI appelle « une perte préoccupante du sens du sacré », il est apparu nécessaire de proposer une « nouvelle évangélisation » (cf. lettre apostolique Ubicumque et semper, 21 septembre 2010, par laquelle fut institué le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation), c’est-à-dire faire une proposition renouvelée de la foi.

Même si l’expression « nouvelle évangélisation » n’apparaît pas chez Paul VI, cette réalité est bien présente dans ses écrits, spécialement dans l’importante exhortation apostolique Evangelii nuntiandi sur l’évangélisation dans le monde contemporain (cf. en particulier nn.52 et 56). On doit à Jean-Paul II l’introduction de l’expression et surtout son usage massif (on la trouve plus de deux-cent fois), au point que l’on peut dire que la nouvelle évangélisation est une des lignes majeures de son pontificat. « Le phénomène de la sécularisation touche les peuples qui sont chrétiens de longue date, et ce phénomène requiert, sans plus de retard, une nouvelle évangélisation » (Christi fideles laici, 4).

De toute évidence, le pape actuel l’a inscrite à son tour parmi les perspectives prioritaires de sa mission. La seconde partie de sa première encyclique, par exemple, a montré amplement comment « la charité de l’Eglise est la manifestation de l’amour trinitaire » et constitue une véritable « évangélisation ». C’est ce qu’il écrit dans sa lettre apostolique Ubicumque et semper. Les pays d’ancienne tradition chrétienne en sont arrivés à « remettre en question les fondements qui apparaissent indiscutables, comme la foi dans un Dieu Créateur et providentiel, la révélation de Jésus-Christ unique sauveur, et la compréhension commune des expériences fondamentales de l’homme comme la naissance, la mort, la vie au sein d’une famille, la référence à une loi morale naturelle ». En conséquence, pour les « Eglises de fondation ancienne », Benoît XVI considère comme « opportun d’offrir des réponses adéquates afin que l’Eglise tout entière, se laissant régénérer par la force de l’Esprit Saint, se présente au monde contemporain avec un élan missionnaire en mesure de promouvoir une nouvelle évangélisation » (Ubicumque et semper).

Venons-en maintenant au rôle des universités catholiques dans ce contexte de nouvelle évangélisation. Elles y sont impliquées pour au moins trois raisons fondamentales. La nouvelle évangélisation se caractérise par une annonce claire et explicite du Christ. « Il n’y a pas d’évangélisation vraie si le nom, l’enseignement, la vie, les promesses, le Règne, le mystère de Jésus de Nazareth Fils de Dieu ne sont pas annoncés », écrivait Paul VI dans Evangelii Nuntiandi (22). En effet, ce message est pérenne, comme l’affirme avec beaucoup de force un passage de la Lettre aux Hébreux, cité dans la lettre apostolique Ubicumque et semper : Jésus-Christ est le même « hier, aujourd’hui, il le sera à jamais » (He 13,8).

Cette annonce fait donc partie de la mission de l’université. C’est ce qu’affirme le paragraphe important qui conclut la magna charta des universités catholiques qu’est la constitution apostolique Ex corde Ecclesiae : « Par sa nature, toute université catholique offre une contribution importante à l’Eglise dans son œuvre d’évangélisation. Il s’agit d’un témoignage vital d’ordre institutionnel à rendre au Christ et à son message, si nécessaire dans les cultures marquées par le sécularisme, ou encore là où le Christ et son message, de fait, ne sont pas encore connus. En outre, toute les activités fondamentales d’une université catholique sont liées à la mission évangélisatrice de l’Eglise et en harmonie avec elle : une recherche menée à la lumière du message chrétien, qui met les nouvelles découvertes humaines au service des individus et de la société ; une formation offerte dans un contexte de foi, qui prépare des personnes capables d’un jugement rationnel et critique, et conscientes de la dignité transcendante de la personne humaine ; une formation professionnelle qui comprend les valeurs éthiques et le sens du service à la personne et à la société ; un dialogue avec la culture, qui favorise une meilleure compréhension de la foi ; une recherche théologique qui aide la foi à s’exprimer dans un langage moderne ».

Benoît XVI lui-même l’a rappelé à maintes occasions. Par exemple lors de sa visite pastorale aux Etats-Unis, il a affirmé avec une grande force la catholicité de l’université : « le témoignage public rendu à la manière d’être du Christ, telle qu’elle ressort de l’Evangile et qu’elle est proposée par le magistère de l’Eglise, modèle tous les aspects de la vie institutionnelle autant à l’intérieur qu’à l’extérieur des salles de classe. Prendre de la distance par rapport à cette vision affaiblit l’identité catholique et, loin de faire avancer la liberté, conduit inévitablement à la confusion autant morale qu’intellectuelle et spirituelle ».

La tentation de la sécularisation est parfois forte pour les universités catholiques présentes dans les pays de tradition chrétienne : en supprimant l’aspect confessionnel, elles minimisent les signes de leur identité catholique et réduisent celle-ci à un humanisme consensuel et le christianisme à un ensemble de valeurs. Au contraire, à la suite de Jean-Paul II, le pape actuel affirme que « le fait d’être ‘catholique’ ne mortifie nullement l’université mais la valorise plutôt au maximum ».

Une deuxième raison explique l’importance et le rôle des universités catholiques dans le cadre de la nouvelle évangélisation. Une intuition centrale du pontificat de Paul VI, dans le sillage duquel se sont mis Jean-Paul II et Benoît XVI est que, pour s’incarner, la foi doit passer dans la culture. Après la première annonce (kèrygma) et la catéchèse, la foi est appelée progressivement à imprégner les cultures, sans jamais toutefois s’identifier à elles. D’autre part, l’Evangile est annoncé aux hommes qui font partie d’une culture, de sorte que cette annonce doit passer à travers cette culture. Voilà pourquoi, comme l’observait Paul VI, « il importe d’évangéliser — non pas de façon décorative, comme par un vernis superficiel, mais de façon vitale, en profondeur et jusque dans leurs racines ».

Or les universités catholiques ont la mission de servir de pont entre la foi et la culture. Jean-Paul II le disait, sur un ton presque confidentiel, à propos des communautés universitaires catholiques qu’il rencontrait pendant ses voyages. « Elles sont pour moi un signe vivant et prometteur de la fécondité de l’intelligence chrétienne dans le cœur de toute culture », disait-il. « Elles me donnent l’espérance fondée d’un nouvel épanouissement de la culture chrétienne dans le contexte riche et multiple de notre temps en mutation, qui se trouve certainement confronté à de graves défis, mais qui est aussi porteur de tant de promesses sous l’action de l’Esprit de vérité et d’amour ». En effet, observait déjà Paul VI, « pour l’Eglise il ne s’agit pas seulement de prêcher l’Evangile dans des tranches géographiques toujours plus vastes ou à des populations toujours plus massives, mais aussi d’atteindre et de bouleverser par la force de l’Evangile les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points d’intérêt, les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de l’humanité, qui sont en contraste avec la Parole de Dieu et le dessein du salut ».

Un autre motif rend aujourd’hui particulièrement urgente l’implication de l’université catholique dans l’œuvre de la nouvelle évangélisation : elle « devra entre autres faire prendre conscience aux riches que l’heure est venue de se montrer réellement frères des pauvres, grâce à une conversion commune au « développement intégral » ouvert sur l’Absolu » (Jean-Paul II, Redemptoris Missio, 59). En effet, une des finalités fondamentales des instituts supérieurs d’enseignement catholique est le service de la société : « La mission essentielle d’une université est l’étude continuelle de la vérité à travers la recherche, la conservation et la communication du savoir pour le bien de la société » (Ex corde ecclesiae, 30).

Il vient à l’esprit la parole sévère de Paul VI qui observait que « le monde est en malaise, faute de pensée » (Populorum progressio, 85). L’université, spécialement l’université catholique, ne doit-elle pas être ce lieu de pensée dont le monde a tant besoin ? Cela est d’autant plus vrai que l’une des raisons majeures de la crise qui atteint aujourd’hui toute la société et toutes les sociétés consiste dans une vision étroitement réductrice et fragmentée de la réalité : souvent analysée en termes uniquement économiques ou sociaux, cette crise n’est pas perçue dans ses dimensions culturelles et spirituelles. L’université ne devrait-elle pas au contraire être le lieu où ces multiples perspectives se rencontrent et se fondent, dans le respect de leurs épistémologies ? Par conséquent, si elle aggrave cet état de fait en favorisant la fragmentation et la séparation des savoirs ou en enseignant une approche du réel uniquement opérationnelle, elle trahit sa mission.

Dans son discours aux participants à la rencontre européenne des professeurs d’université, le 23 juin 2007, Benoît XVI a rappelé son expérience en tant que professeur, selon laquelle toutes les spécialisations « nous rendent parfois incapables de communiquer les uns avec les autres ». C’est en cela que l’université trahit sa propre vocation : « L’université, quant à elle, ne doit jamais perdre de vue sa vocation particulière d’être une ‘ universitas’ dans laquelle les diverses disciplines, chacune selon la manière qui lui est propre, sont envisagées comme des parties d’un ‘ unum’ plus vaste. Combien il est urgent de redécouvrir l’unité de la connaissance et de freiner les tendances à la fragmentation et au manque de communication ». Eh bien, une des vocations de l’université catholique consiste dans ce dialogue incessant entre les différentes disciplines, à commencer par celui entre la foi et la raison. Pour le dire avec les paroles du pape actuel, ces institutions doivent être le lieu d’une raison élargie et enrichie. Dans la même allocution, Benoît XVI appelait à un « élargissement de notre conception et de notre usage de la raison ». Ce nouvel usage de la raison que l’université catholique est appelée à promouvoir ne portera de fruit que par le développement du savoir, mais aussi par celui des peuples : à une vision intégrale de l’homme et de la vérité correspondra la recherche du bien intégral de l’homme.

Enfin, ce qui vaut pour l’université catholique dans son ensemble vaut de manière singulière pour la faculté de théologie, qui doit en être le cœur. Il est significatif que la première citation biblique de la lettre apostolique Ubicumque et semper, par laquelle a été institué le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, soit exactement la même que l’unique référence à l’Ecriture, faite dans la Constitution apostolique Sapientia christiana : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28,19-20). Une exhortation de Jean-Paul II aux Franciscains peut être appliquée à toute l’Eglise : « il faut considérer la formation intellectuelle comme une exigence fondamentale de l’évangélisation ». Et il poursuit en précisant : « je vous encourage à entrer immédiatement dans la dynamique d’une évangélisation régénérée, grâce à la promotion de l’étude de la théologie, science ecclésiale par excellence » (1991).

Universités catholiques et nouvelle évangélisation font partie de la mission prophétique de l’Eglise. Dans un message pour la Journée missionnaire mondiale, Jean-Paul II affirmait que « l’Eglise se projette vers le troisième millénaire en assumant avec une nouvelle énergie sa mission fondamentale d’ « évangéliser », qui est l’annonce aux peuples, pour leur faire découvrir qui est Jésus-Christ pour nous ». De même, l’université catholique sera fidèle à son identité ecclésiale si elle continue elle aussi à être ou si elle redevient une université « essentiellement missionnaire ». »

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat



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