Publié le : 5 juin 2011 Source : Zenit.org
Les newsHaïti : Une foi forgée par le tremblement de terreROME, Dimanche 5 juin 2011 (ZENIT.org) – La souffrance fait partie de l’histoire et de l’être même du peuple haïtien, affirme l’évêque auxiliaire Mgr Joseph Lafontant. Une souffrance qui amène les Haïtiens à s’identifier au Christ souffrant et à développer une dévotion particulière pour le Chemin de Croix. Cette dévotion et cette foi du peuple haïtien ont été ravivées et renforcées après le tremblement de terre de janvier 2010. Un an après le séisme, l’évêque a accordé cet entretien à l’émission télévisée « Là où Dieu pleure ». Q – Avec toute cette destruction, quelles ont été les conséquences psychologiques ? Les gens se demandent-ils : pourquoi nous ? Entre les gens ? Pour approfondir un peu le sujet : les gens ne se demandent-ils pas si ce n’est pas la colère de Dieu, si d’une certaine façon nous ne le méritons pas ou encore si Dieu nous punit pour quelque chose. Ce sentiment existe-t-il aussi, et quelle est votre réponse ? Les riches et les pauvres... Les riches et les pauvres ; pas de funérailles, pas de cercueils, tous au même niveau. Cela a conduit les gens à réfléchir et certains sont venus me parler directement : « Vous savez Monseigneur, depuis le tremblement de terre je suis une autre personne parce que je suis vivante et j’ai réalisé que mes biens ne sont rien. Etre vivant vaut bien plus que tout ce que je possède, aussi dorénavant je ne veux plus porter de bijoux. Je ne veux plus me soucier de mon apparence. Je ne veux plus m’inquiéter de l’aspect de ma maison, de ma manière de vivre, parce que la vie doit être différente ». C’est en quelque sorte un Haïti renouvelé qui est né après le séisme. Constatez-vous un renouveau de la foi ? Pas seulement un renouveau, mais un renforcement de la foi. C’est assez curieux quand on songe à toutes les paroisses dont les églises se sont effondrées, les gens qui vivent sous la tente ou à la belle étoile. Ils sont venus prier tout spécialement pendant le carême. Vous savez, le peuple haïtien aime faire le Chemin de croix tous les vendredis de Carême. Et c’est amusant de voir que quand ils viennent se confesser le Jeudi saint pour communier, ils s’accusent d’avoir sauté trois stations du Chemin de croix, mais ils ne disent rien s’ils ont manqué trois fois la messe. Pourquoi les stations du Chemin de croix sont-elles si importantes ? L’Eglise a vécu un Chemin de croix particulier. L’archevêque de Port-au-Prince, le vicaire général, le chancelier, des religieux, des prêtres et 14 séminaristes ont été tués. Comment arrivez-vous à surmonter ce coût humain ? Mais ont-ils besoin d’un soutien psychologique ? Oui, absolument, et ils l’obtiennent. Nous avons un prêtre de la Congrégation de la Sainte-Croix. Il a passé deux heures avec eux à parler du traumatisme ; au bout de deux heures, il a déclaré qu’il devra suivre en particulier dix d’entre eux. D’autres diocèses ont fait la même chose ; ils ont organisé des réunions et des sorties avec eux afin de libérer leurs esprits. Quel poids psychologique pèse sur ces jeunes gens ? Se sentent-ils coupables d’avoir survécu et d’avoir été retirés vivants des décombres ? Qu’est-ce qui vous a le plus frappé dans toute cette tragédie humaine à laquelle vous avez été confrontée ? Personnellement, c’est bien sûr la mort de l’archevêque, Mgr Joseph Serge Miot. Nous avions travaillé si longtemps ensemble. Nous étions ensemble à la conférence épiscopale avant sa nomination comme évêque. Nous étions ensemble au séminaire quand j’étais recteur du grand séminaire. Après sa nomination, nous avons commencé à travailler ensemble jusqu’à sa mort, comme des frères. Nous étions très intimes et il se confiait beaucoup à moi. Même si j’étais plus ancien que lui dans l’épiscopat, dans le sacerdoce et en âge, je l’ai toujours considéré comme mon archevêque, mon supérieur. Et lui me considérait comme un bon collaborateur, et c’est pourquoi cela a été vraiment dur pour moi de le découvrir mort. Quand la première secousse s’est produite, les gens se sont mis à crier et à courir ; il est sorti sur le balcon pour les calmer : « Pas de panique, calmez-vous » ; la seconde secousse l’a projeté en avant et il est tombé du balcon. Voilà comment il est mort ; cela a été horrible. Le peuple haïtien a un amour profond pour la Vierge Marie – Notre Dame du perpétuel secours. A-t-on constaté une augmentation des visites au sanctuaire national de Notre Dame du perpétuel secours ? Pourquoi cette Vierge est-elle si importante pour les gens et pourquoi à présent, en ce moment de crise, se tournent-ils vers elle ? Haïti a toujours été sous la protection de la Vierge Marie, Notre Dame du perpétuel secours. Le pays a été consacré dans les années quarante et les évêques ont renouvelé cette consécration dans les années quatre-vingt-dix. La mère, dans notre culture, est très, très importante. Dans nombre de familles haïtiennes – même les familles de droit civil – la mère est tout. L’économie est supportée par les femmes. La mère est très importante dans cette culture – un Haïtien se tourne vers sa mère, car elle comprend. Une mère, même si elle perd la tête, viendra toujours en aide. Elle est toujours présente. Le père est toujours dehors, mais la mère est toujours présente. Quand ils ont besoin de quelque chose, ils s’adressent à leur mère. Elle est là pour eux. C’est pourquoi ils se tournent vers la Vierge ? Propos recueillis par Mark Riedermann pour l’émission télévisée « La où Dieu pleure », conduite par la Catholic Radio and Television Network (CRTN), en collaboration avec l’association Aide à l’Eglise en Détresse (AED). Sur le Net : - Aide à l’Eglise en détresse France - Aide à l’Eglise en détresse Belgique - Aide à l’Eglise en détresse Canada - Aide à l’Eglise en détresse Suisse Zenit.org, 2006. 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