Publié le : 10 juillet 2009 Source : Zenit.org
Les news« Caritas in Veritate et théorie du genre », par Mgr Anatrella (3)ROME, Vendredi 10 juillet 2009 (ZENIT.org) - A l’occasion de la publication de l’Encyclique du pape Benoît XVI, Caritas in Veritate, Mgr Tony Anatrella psychanalyste et spécialiste en psychiatrie sociale, a répondu aux questions de Zenit au sujet de la notion de genre humain évoquée par l’encyclique et qui ne correspond pas à la définition du genre dans la théorie du genre qui sert de norme aux Institutions internationales et de référence pour modifier la législation dans de très nombreux pays. Voici le troisième volet de cette réflexion sur l’encyclique sociale de Benoît XVI. Le premier volet de cette réflexion a été publiée le mercredi 8 juillet et le deuxième volet hier, 9 juillet 2009. Mgr Anatrella reçoit de nombreuses personnes en difficultés psychologiques et enseigne la psychologie à Paris. Il est consulteur du Conseil pontifical pour la famille et du Conseil pontifical pour la pastorale de la santé. Il vient de publier : « La tentation de Capoue - Anthropologie du mariage et de la filiation » - Éditions Cujas (Paris). Il a également publié plusieurs ouvrages qui portent sur la théorie du genre : La différence interdite aux éditions Flammarion et Le règne de Narcisse aux Presses de la Renaissance. Zenit : En quoi justement les plus jeunes sont-ils concernés ? Mgr Tony Anatrella : La théorie du genre imprègne les jeunes générations à travers l’éducation sexuelle diffusée dans les écoles et les lycées. Les idées du genre y sont largement diffusées en insistant sur les orientations sexuelles et la nécessité de les expérimenter pour se connaître. C’est une façon de détruire les opérations symboliques de la vie psychique pendant l’enfance et l’adolescence en incitant à des passages à l’acte (qui sont toujours des conduites réactionnelles). Ce ne sont pas les expériences sexuelles qui permettent de se connaître et de parvenir à la maturité affective et sexuelle, mais le remaniement de la sexualité infantile au décours de l’adolescence qui vont créer les conditions pour comprendre ses désirs et les travailler en harmonie avec son identité. Des passages à l’acte ainsi provoqués ne peuvent que renforcer l’infantile en handicapant les évolutions nécessaires. D’autant que, je l’ai souvent observé lors de consultations et de psychothérapies avec des adolescents, aborder la question de l’homosexualité dans le cadre scolaire avec des personnes militantes, les trouble et les perturbe là où la plupart d’entre eux commencent à s’éveiller affectivement. Faute de savoir comment interpréter leurs premiers émois ils se saisissent d’interprétations entendues ici ou là pour se les appliquer. La plupart des intervenants sont souvent dans une attitude prescriptive qui fascine les plus fragiles et renforce les défenses de ceux qui sont à l’aise avec leur identité. Il faut souligner que l’accusation « d’homophobie » (pour autant que ce slogan ait un sens) reprise de façon stéréotypée par les médias est la résultante d’un discours qui veut tellement prouver le bien fondé d’une orientation sexuelle qu’il se retourne contre lui-même. Une chose est d’en appeler au respect des personnes, quelle que soit leur situation, et autre chose est de dire qu’il s’agit d’un modèle à partir duquel la société peut s’organiser. Zenit : Les plus jeunes parlent facilement de ces questions aujourd’hui. Quel peut être l’impact sur eux ? Mgr Tony Anatrella : Parler de l’homosexualité, c’est parler à chacun de ses identifications primaires à des personnes de même sexe qui ont été nécessaires pour affermir son identité sexuelle. Selon la psychanalyse freudienne, il s’agit là d’un choix d’objet homosexuel pour se conforter et c’est lorsqu’il y a un échec de ce travail interne que se produit, entre autres, une érotisation de l’identification qui débouche sur l’homosexualité. La plupart des personnes élaborent positivement ce choix primaire qui a pu aussi se faire plus ou moins facilement. Mais laisser entendre à des jeunes que c’est une forme de sexualité qui ne pose aucun problème peut susciter diverses inquiétudes et renvoyer à une économie première dans laquelle ils ne sont plus du tout engagés. Certains résistent avec raison tout en contestant intérieurement l’homosexualité dont on leur parle. Autrement dit, c’est comme on les invitait à revenir à une étape qu’ils ont ou qu’ils vont dépasser. C’est pourquoi des jeunes sont dans une relative confusion lorsqu’ils interprètent comme de l’homosexualité un attrait esthétique pour des personnes de même sexe, alors qu’il ne s’agit pas de cela. En France, l’Éducation Nationale annonce un programme pour lutter contre « l’homophobie » dans les établissements scolaires et universitaires. Est-ce nécessaire ou un effet d’influences de lobbies qui prennent ce pseudo prétexte pour faire passer le message de l’indistinction sexuelle ? Peut-on éduquer des enfants et des adolescents à partir de l’homosexualité ? Une question à réfléchir là où des éducateurs risquent d’être les otages d’une idéologie au lieu d’être attentifs à la psychologie des enfants et des adolescents qui aujourd’hui est plus fragile et moins organisée qu’on ne le croit. La théorie du genre est ainsi à l’œuvre dans diverses directions : celui de la santé, de la famille et de l’éducation sans que les citoyens ne réalisent ce qui se passe et encore moins les enjeux quand on veut instituer des orientations sexuelles à la place des deux seules identités qui existent, celle de l’homme et celle de la femme. Il est pour le moins impertinent de faire passer une orientation sexuelle pour une identité. Nous ne sommes pas sur le même registre. Zenit : Les femmes semblent davantage concernées que les hommes par cette « théorie » ? Mgr Tony Anatrella : En effet cette théorie, récupérée par des mouvements féministes, valorise les femmes dans leur opposition aux hommes et dissocie la relation entre eux au nom de l’autonomie des femmes. Si les hommes et les femmes sont respectivement autonomes dans leur masculinité et leur féminité, cela ne s’oppose nullement à un lien positif de coopération et de complémentarité entre eux. Ainsi, au nom de la Santé reproductive, pour autant que cette notion soit pertinente, on dissocie la procréation de la relation entre les hommes et les femmes pour la situer uniquement du côté des femmes. Une vision des choses qui a pour but d’affirmer l’autonomie des femmes afin de mieux valoriser la contraception et l’avortement. Or la procréation se partage entre l’homme et la femme, et relève de leur responsabilité que des idéologies inhumaines viennent contester. Benoît XVI écrit justement : « Certaines organisations non-gouvernementales travaillent activement à la diffusion de l’avortement et promeuvent parfois dans les pays pauvres l’adoption de la pratique de la stérilisation, y compris à l’insu des femmes. Par ailleurs, ce n’est pas sans fondement que l’on peut soupçonner les aides au développement d’être parfois liées à certaines politiques sanitaires impliquant de fait l’obligation d’un contrôle contraignant des naissances ... Quand une société s’oriente vers le refus et la suppression de la vie, elle finit par ne plus trouver les motivations et les énergies nécessaires pour œuvrer au service du vrai bien de l’homme » (n. 28). Dans cette idéologie du genre le primat est principalement mis sur la disparition des distinctions entre l’homme et la femme. Autrement dit, rien ne doit empêcher la femme de devenir l’égale de l’homme tout en dénonçant une domination et un pouvoir masculins. Judith Butler, philosophe de l’idéologie du genre, ne va-t-elle pas jusqu’à prescrire aux femmes, dans son livre Le trouble dans le genre, de refuser la pénétration sexuelle avec un homme qui est le signe de sa domination sur la femme. Cette opposition mais aussi ce refus dans la pensée de Butler de son désir de l’homme, dans lequel la plupart des femmes ne se reconnaîtront pas, sinon il y aurait de quoi s’inquiéter sur la santé mentale de l’humanité, est symptomatique du déni de la différence sexuelle qui structure la théorie du genre. La maternité est également considérée comme un handicap et une injustice puisque seules les femmes portent les enfants. Il faut donc libérer les femmes de la maternité d’où la multiplication des campagnes en faveur de la contraception et de l’avortement menées par l’OMS notamment en Afrique. De la même façon, il faut éviter de parler de la paternité car seuls les hommes peuvent être pères, ce qui est une autre forme d’injustice à l’égard des femmes. Dans cette logique déréelle, il faut privilégier la notion de parentalité à celle de parents dans le sens où tous les adultes qui exercent une fonction éducative auprès des enfants jouent un rôle parental. Le raisonnement va même plus loin et s’est imposé dans les mentalités, sans autre effort de réflexion, en scindant la fonction parentale, surtout celle du père qui est minimisée, à travers le parent biologique (qui compte peu), le parent éducateur (qui peut donner son nom de famille à l’enfant) et le parent social (un adulte qui est le nouveau partenaire du parent de l’enfant) qui assure un rôle éducatif et peut varier selon les associations et les dissociations des liens avec l’un des parents de l’enfant. C’est ainsi que l’on va parler de la fonction de « beau-parent » (toujours au singulier comme le parent) et qui est encore une autre façon de morceler la filiation. Tout ceci dessert les intérêts psychiques et sociaux de l’enfant au bénéfice des aléas affectifs des adultes qui sont privilégiés par rapport aux enfants. Zenit : Sans avoir à énumérer toutes les conséquences de cette idéologie néfaste du genre que vous avez développées dans votre livre : La tentation de Capoue publié récemment aux éditions Cujas à Paris, que peuvent faire l’Église et les chrétiens ? Mgr Tony Anatrella : Dans ses propos le Pape Benoît XVI montre bien qu’il y a une opposition entre cette nouvelle idéologie du genre et les nécessités humaines dictées par une juste raison des choses. Cette théorie se présente comme un idéalisme qui s’extrait de la réalité et de la réalité des corps. En simple et bonne logique et indépendamment d’une perspective religieuse, si l’homme et la femme existent c’est que cela est déjà porteur de sens. Cette idéologie est une superstructure interprétative qui fausse l’observation et la prise en considération du réel. Dans la théorie du genre, le fantasme se prend pour le réel comme dans certaines configurations psychotiques qui ne sont pas étrangères aux productions culturelles de l’époque mais aussi aux pathologies narcissiques que l’on voit se développer aujourd’hui. Le corps est confondu avec le physique et le biologique, comme on l’observe dans certaines réflexions de sociologues. Il y a une sorte d’angoisse de penser le corps comme l’être de la personne et une fuite en avant qui confine à un néo-puritanisme issu des productions intellectuelles des pays de l’Europe du Nord qui sont parmi les premiers et les plus actifs à imposer les normes du genre. L’égalité en tous points entre les hommes et les femmes laissant entendre ce qu’un homme fait, une femme peut le faire est à la fois vrai et pas systématiquement possible ni nécessaire. Les relations entre les hommes et les femmes s’organisent aussi autour de la symbolique que représente la différence sexuelle. Lorsque ces symboliques sont transgressées, le lien social en pâtit. La parité permet-elle une meilleure coopération et de meilleures relations entre hommes et femmes ? Depuis l’instauration de ces idéaux qui ont commencé il y a plus de quarante ans et qui se confondent dans la similitude, les relations se sont distendues, compliquées et mises à distance. Des professions se sont complètement féminisées là où des hommes cherchent d’autres activités en dehors de l’éducation, de la médecine et de la justice. La parité fondée sur une lutte de pouvoir fausse les relations et la conception des choses. Ainsi en France, la jurisprudence européenne oblige à réformer la majoration de durée d’assurance dont bénéficient les mères pour leur retraite. Deux ans de cotisations pour la retraite sont offerts aux mères à la naissance de chaque enfant. La Cour de cassation vient de reconnaître ce droit à un père qui a élevé ses enfants. Ce privilège réservé aux mères est maintenant remis en question au nom d’une vision égalitariste entre hommes et femmes pour répondre à l’idéologie du genre soutenue par Bruxelles. Nous sommes loin de ce que propose l’Église à travers la complémentarité réaliste des sexes. L’idée déréelle selon laquelle le genre résulte d’une simple construction sociale à travers des décisions législatives montre à quel point on entreprend de vouloir réformer et créer un type d’homme libéré de la distinction sexuelle au nom de l’égalité de tous. Il s’agit de la négation de la réalité singulière de chaque personne qui n’est pas le résultat d’une construction et d’une manipulation sociale. La loi civile se fait ici idéologique et non plus soucieuse du bien commun, de la dignité de la personne humaine et du bien que représente l’altérité sexuelle au seul fondement du couple et de la parenté. Une vision idéologique qui ne prend plus en compte la réalité et qui, de ce fait, devient aussi coercitive en créant des structures de contrôle et des sanctions pénales. On établit une surveillance des « bonnes pratiques » en la matière et on dénonce celles qui sont contraires au genre (égalité dans tous les domaines et respect des orientations sexuelles). Il est inquiétant de voir se mettre en place une police des idées, relayée par les directives de Bruxelles, à travers un ministère des bonnes mœurs bien connu dans les pays totalitaires. Une forte pression est également exercée sur les pays pauvres. C’est ainsi que les pays africains ne peuvent recevoir des aides médicales, économiques et des matières premières par l’intermédiaire des instances de l’ONU que dans la mesure où ils modifient leurs lois dans le sens de la théorie du genre. Faute de pouvoir s’organiser autrement, ils acceptent ce néo-colonialisme des pays occidentaux pour contrôler leurs naissances, promouvoir un féminisme qui minimise le rôle de l’homme et valoriser certains modèles sexuels fondés sur des pulsions partielles et non plus sur l’identité du couple et de la famille. L’Eglise ayant une responsabilité envers la Création, dit le Saint-Père, elle doit le faire savoir : « Si le droit à la vie et à la mort naturelle n’est pas respecté, si la conception, la gestation et la naissance de l’homme sont rendues artificielles, si des embryons humains sont sacrifiés pour la recherche, la conscience commune finit par perdre le concept d’écologie humaine et, avec lui, celui d’écologie environnementale. Exiger des nouvelles générations le respect du milieu naturel devient une contradiction, quand l’éducation et les lois ne les aident pas à se respecter elles-mêmes. Le livre de la nature est unique et indivisible, qu’il s’agisse de l’environnement comme de la vie, de la sexualité, du mariage, de la famille, des relations sociales, en un mot du développement humain intégral. Les devoirs que nous avons vis-à-vis de l’environnement sont liés aux devoirs que nous avons envers la personne considérée en elle-même et dans sa relation avec les autres. On ne peut exiger les uns et piétiner les autres. C’est là une grave antinomie de la mentalité et de la praxis actuelle qui avilit la personne, bouleverse l’environnement et détériore la société » (n. 41). Dans une parfaite inconscience, des organisations catholiques sont impliquées dans la diffusion des concepts du genre et rêvent même de réorganiser l’Église à partir de ces principes. Elles se laissent séduire par ces idéaux contraires à une anthropologie réaliste et raisonnable comme celle de la différence sexuelle sur laquelle s’appuie l’Église. Cette dernière trouve d’autres motifs dans la révélation biblique et le Nouveau Testament pour savoir que seul un homme et une femme sont, jusque dans leur chair, les signes de l’altérité humaine et de l’altérité divine. Les chrétiens ne doivent pas ignorer les enjeux de cette idéologie car elle est présente dans la plupart des comportements que j’ai décrits. Il en va du sens de la l’amour et de la vérité de ce que représentent le couple et la famille. La tâche essentielle à privilégier est donc l’éducation au sens du développement humain intégrale. Mais encore faut-il connaître ce qu’est la personne humaine. Actuellement tout se passe comme si nous en avions oublié ou perdu la signification, comme l’affirme le Saint-Père : « Il convient de souligner un aspect problématique : pour éduquer il faut savoir qui est la personne humaine, en connaître la nature. Une vision relativiste de cette nature qui tend à s’affirmer de plus en plus pose de sérieux problèmes pour l’éducation, et en particulier pour l’éducation morale, car elle en compromet l’extension au niveau universel » (n. 61). Il revient à tous les chrétiens et à ceux qui sont engagés dans la vie politique de veiller à la qualité des lois en faveur de la vie, du couple formé par un homme et une femme, et de la famille. De veiller également à savoir éduquer les jeunes à partir du sens du couple et de la famille afin d’ouvrir à un véritable accomplissement de la sexualité humaine vécue dans l’amour et dans la vérité. Propos recueillis par Anita S. Bourdin Zenit.org, 2006. Tous droits réservés - Pour connaitre les modalités d´utilisation vous pouvez consulter : www.zenit.org ou contacter infosfrench@zenit.org - Pour recevoir les news de Zenit par mail vous pouvez cliquer ici |