Publié le : 11 juillet 2008 Source : Zenit.org
Les newsDieu s’est servi de la parole pour communiquer la vie et la vérité
ROME, Vendredi 11 juillet 2008 (ZENIT.org) - Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 13 juillet, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale. Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 13, 1-23
Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord du lac. © Copyright AELF - Paris - 1980 - 2006 Tous droits réservés Un Dieu de parole
Les lectures de ce dimanche parlent de la Parole de Dieu en utilisant deux images qui renvoient l’une à l’autre : celle de la pluie et celle de la semence. Isaïe, dans la première lecture, compare la Parole de Dieu à la pluie qui descend du ciel et n’y retourne pas sans avoir irrigué et fait germer les semences ; dans l’Evangile, Jésus parle de la Parole de Dieu comme d’une semence qui tombe sur des terrains différents et produit des fruits différents. La parole de Dieu est une semence parce qu’elle engendre la vie et elle est une pluie qui alimente la vie, qui permet à la semence de germer. En parlant de la parole de Dieu, nous considérons souvent comme naturel le fait le plus bouleversant de tous, le fait que Dieu parle. Le Dieu biblique est un Dieu qui parle ! « Le Dieu des dieux, le Seigneur, parle et convoque la terre », dit le Psaume (Ps 50, 1-3) ; Dieu lui-même répète souvent : « Ecoute, mon peuple, je parle » (Ps 50, 7). La Bible voit là la différence la plus évidente avec les idoles qui « ont une bouche et ne parlent pas » (Ps 114, 5). Mais quelle signification devons-nous donner à des expressions aussi anthropomorphiques que : « Dieu dit à Adam », « ainsi parle le Seigneur », « dit le Seigneur », « oracle du Seigneur », ainsi que d’autres semblables ? Il s’agit bien évidemment d’une manière de parler différente de l’être humain, une manière de parler aux oreilles du cœur. Dieu parle comme il écrit ! « Je mettrai ma loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur », dit le prophète Jérémie (Jr 31, 33). Il écrit sur le cœur et il fait aussi retentir ses paroles dans le cœur. Il le dit lui-même expressément à travers le prophète Osée, en parlant d’Israël comme d’une épouse infidèle : « C’est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur » (Os 2, 16). Dieu n’a pas de bouche ni de souffle humain : sa bouche est le prophète, son souffle l’Esprit Saint. « Tu seras ma bouche », dit-il à ses prophètes, ou encore « je placerai ma parole sur tes lèvres ». Tel est le sens de la célèbre phrase : « C’est portés par l’Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu » (2 P 1, 21). La tradition spirituelle de l’Eglise a créé pour cette façon de parler directement à l’esprit et au cœur l’expression de « locutions intérieures ». Il s’agit toutefois d’une façon de parler véritable ; la créature reçoit un message qu’elle peut traduire en paroles humaines. La façon de parler de Dieu est si vive et réelle que le prophète se rappelle avec précision le lieu, le jour et l’heure où une certaine parole « vint » sur lui. La parole de Dieu est si concrète que l’on dit à son propos qu’elle « tombe » sur Israël comme si elle était une pierre (Is 9, 7), ou comme si elle était un pain qui se mange avec goût : « Quand tes paroles se présentaient, je les dévorais : ta parole était mon ravissement et l’allégresse de mon cœur » (Jr 15, 16). Aucune voix humaine n’atteint autant l’homme en profondeur que la parole de Dieu. « Elle » « pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles, elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur » (He 4, 12). La façon de parler de Dieu est parfois « un tonnerre qui fracasse les cèdres du Liban » (cf. Ps 28), d’autres fois elle ressemble au « murmure d’un vent léger » (1 R 19, 12). Elle connaît toutes les tonalités de la façon de parler de l’homme. Cette nature intérieure et spirituelle de la parole de Dieu change radicalement au moment où « le Verbe s’est fait chair ». Avec la venue du Christ, Dieu parle également avec une voix humaine, qui n’est plus seulement audible aux oreilles de l’âme, mais également du corps. La Bible attribue, comme on le voit, une dignité immense à la parole. Les tentatives de changer l’affirmation solennelle avec laquelle Jean commence son Evangile n’ont pas manqué : « Au commencement était le Verbe ». Goethe fait dire à son Faust : « Au commencement était l’action » et il est intéressant de voir comment l’écrivain arrive à cette conclusion. Je ne peux pas, dit Faust, donner à la parole une valeur aussi élevée ; peut-être dois-je comprendre le « sens » ; mais le sens peut-il être tout ce qui crée et agit ? Il faudra alors dire : « Au commencement était la force » ? Mais non, à l’improviste une illumination me suggère la réponse : « Au commencement était l’action ». Mais ce sont des tentatives de correction injustifiées. Le Verbe, ou Logos, de Jean contient toutes les significations que Goethe assigne à d’autres termes. Celui-ci, on le voit dans le reste du Prologue, est lumière, vie et force créatrice. Dieu créa l’homme « à son image » précisément parce qu’il le créa capable de parler, de communiquer et d’établir des relations. Lui, qui possède en lui-même, de toute éternité, une Parole, a créé l’homme doté de parole. Mais, pour être, non seulement « à l’image », mais aussi « à la ressemblance » de Dieu (Gn 1, 26), il ne suffit pas que l’homme parle, il faut qu’il imite la façon de parler de Dieu. Or, le contenu et le motif de la parole de Dieu sont l’amour. Dieu parle pour la même raison pour laquelle il crée : « Pour diffuser son amour sur toutes les créatures et les réjouir par les splendeurs de sa gloire », comme le dit la Prière eucharistique IV. La Bible, du début jusqu’à la fin, n’est qu’un message d’amour de Dieu à ses créatures. Le ton peut changer, de la colère à la très grande tendresse, mais la substance est toujours et seulement l’amour. Dieu s’est servi de la parole pour communiquer la vie et la vérité, pour instruire et réconforter. Cela soulève la question suivante : quel usage faisons-nous de la parole ? Dans son drame « Huis clos », Sartre nous a donné une image impressionnante de ce que peut devenir la communication humaine, lorsque l’amour manque. Trois personnes sont introduites, à un bref intervalle, dans une pièce. Il n’y a pas de fenêtres, la lumière est au maximum et il n’y a pas de possibilité de l’éteindre, il fait une chaleur suffocante, et il n’y a rien en dehors d’un canapé pour chacun. La porte est naturellement fermée, il y a une sonnette, mais qui ne produit aucun son. Qui sont-ils ? Ce sont trois morts, un homme et deux femmes, et le lieu où ils se trouvent est l’enfer. Il n’y a pas de miroir et chacun d’eux ne peut se voir qu’à travers les paroles de l’autre qui lui renvoient l’image la plus laide de lui-même, sans aucune miséricorde, et même avec ironie et sarcasme. Après un moment, lorsque leurs âmes se sont dévoilées les unes aux autres et que les fautes dont ils ont le plus honte sont venues à la lumière une par une, utilisées par les autres sans pitié, l’un des personnages dit aux deux autres : « Rappelez-vous : le souffre, la flamme, le grill. Ce sont des idioties. Il n’y a aucun besoin de grill : l’enfer ce sont les Autres ». L’abus de la parole peut transformer la vie en un enfer. Saint Paul donne aux chrétiens cette règle d’or à propos de la parole : « Aucune parole mauvaise ne doit sortir de votre bouche ; mais, s’il en est besoin, dites une parole bonne et constructive, bienveillante pour ceux qui vous écoutent » (Ep 4, 29). La bonne parole est celle qui sait saisir le côté positif d’une action et d’une personne et, même quand elle corrige, elle ne blesse pas ; la bonne parole est celle qui donne de l’espérance. La mauvaise parole est chaque parole prononcée sans amour, pour blesser et humilier son prochain. Si la mauvaise parole est sortie de la bouche, il faudra la retirer. Les versets de Métastasio ne sont pas entièrement vrais : « La voix sortie du sein / ne vaut plus la peine d’être retirée ;/ on ne retient pas la flèche, / lorsqu’elle est sortie de l’arc ». On peut retirer une parole sortie de la bouche, ou tout au moins en limiter l’effet négatif en demandant pardon. Quel don, alors, pour nos semblables et quelle amélioration de la qualité de la vie au sein de la famille et de la société ! Traduit de l’italien par J.-M. Coulet Zenit.org, 2006. Tous droits réservés - Pour connaitre les modalités d´utilisation vous pouvez consulter : www.zenit.org ou contacter infosfrench@zenit.org - Pour recevoir les news de Zenit par mail vous pouvez cliquer ici |