Publié le : 17 avril 2007 Source : Zenit.org
Les newsLe terrorisme à visage humain (I)ROME, Mardi 17 avril 2007 (ZENIT.org) – « Adoption d’enfants par des couples ‘gay’, euthanasie même pour les enfants, libéralisation de l’avortement, même au Portugal… Qu’est-ce qui est en train d’arriver en Europe ? D’où dérive ce désir de mort et qui le promeut ? » Dans cet entretien accordé à Zenit, Mgr Michel Schooyans tente de répondre à ces questions, en analysant les racines de ce désir de mort, notamment à travers son ouvrage « Le terrorisme à visage humain ». Nous publions ci-dessous la première partie de cet entretien. « Plutôt que la vie, l’Europe semble avoir choisi la mort. De fait, partout en Europe le nombre des naissances ne compense plus le nombre de décès ; la population vieillit ; la population active diminue. Chaque année, la population d’une vingtaine de pays diminue. Rien qu’en 2005, la Russie a perdu près de 800.000 habitants et l’Allemagne 140.000. L’Italie, la Pologne, l’Espagne sont sur la même pente. Jean-Paul II constatait déjà le « suicide démographique » de l’Europe, résumé dans deux données : vers 1914 elle comptait 25% de la population mondiale ; elle en comportera 7% en 2050 », explique Mgr Schooyans. Zenit - Comment s’exprime cette fascination de la mort ? Mgr Schooyans - A des dizaines de reprises, Jean-Paul II a dénoncé la « culture de la mort ». Cette « culture » est aujourd’hui très affirmée en Europe, où elle est le signe d’un déclin de l’espérance. La stérilisation féminine et masculine y est devenue pratique courante. Dans plusieurs pays d’Europe, il y a autant d’avortements que de naissances. Selon le Population Reference Bureau, plus de 70% des femmes européennes concernées ont recours à la contraception. Les pays européens, où l’encyclique Humanae vitae a été largement contestée, figurent parmi ceux où la vie est le plus boudée. Que dire des effets cancérigènes de préparations contraceptives, effets reconnus par l’OMS ? Que dire des effets éventuellement abortifs de certaines de ces préparations chimiques ? Que dire enfin du risque de mort assumé en connaissance de cause par des patients atteints de maladies sexuellement transmissibles ? Zenit - Dans votre ouvrage « Le terrorisme à visage humain », ainsi que dans d’autres écrits, vous revenez souvent sur les racines de ce désir de mort. Vous signalez l’influence d’une pulsion de mort dans les idéologies contemporaines, surtout dans le communisme, le fascisme, le nazisme, mais aussi dans le libéralisme contemporain… Mgr Schooyans - Les idéologies totalitaires du XXe siècle survivent aux régimes qu’elles ont inspirés. Ces idéologies ont en commun le rejet de toute référence morale. Il faut être prêt à mourir, ou à donner la mort, si le Parti, la pureté de la Race ou l’État l’exigent. Ces idéologies, qui ont inspiré le communisme, le nazisme et le fascisme, sont toujours très vivaces et, en plus, elles sont actuellement confortées par l’onde de choc de l’idéologie néo-libérale. Celle-ci trouve ses racines dans le courant « illuministe », qui remonte au XVIIe siècle. L’idéologie néo-libérale retient deux thèmes de cet Illuminisme. D’abord, l’individualisme : ce qui compte, c’est l’autonomie, la liberté totale de l’individu. Si cet individu en a la force, il peut utiliser les autres, les exploiter, en tirer profit ou plaisir, les éliminer s’ils sont inutiles. L’homme n’est plus un être sociable ; il est ennemi de l’homme, maître de la vie. Ensuite le libre-examinisme : ce qui compte, c’est la raison individuelle ; la vérité est relative aux individus et ceux-ci définissent leur morale en fonction de leurs intérêts et de leurs plaisirs individuels. La raison sert à calculer les plaisirs. La religion doit être combattue, comme doivent l’être tous les préjugés. Zenit - Le courant écologique ne pourrait-il pas contrebalancer l’influence de ces idéologies ? Mgr Schooyans - Il faut voir de quelle écologie on parle, car il y a une écologie douce, non seulement bonne mais nécessaire, et une écologie radicale. Cette dernière trouve son expression contemporaine la plus affirmée dans la Charte de la Terre, document patronné par l’ONU. L’idéologie dont s’inspire cette charte reprend des thèmes proches de ceux divulgués il y a cinquante ans par Julian Huxley, premier directeur de l’UNESCO : l’homme est « prédateur » ; il est le « cancer de la planète ». Il est le produit d’une évolution purement matérielle et ne peut revendiquer aucune supériorité de dignité par rapport aux autres êtres qui peuplent le monde ambiant. Pour Peter Singer, mieux vaut un chien bien portant plutôt qu’un enfant malade. Aujourd’hui, ces idées sont reprises non seulement dans la Charte de la Terre, mais par des anthropologues comme Claude Lévi-Strauss. Selon cette idéologie écologiste, à forte connotation New Age, l’homme, à sa mort, devra retourner définitivement à la terre d’où il est issu. La mort définitive, sans place à l’espérance, aura toujours le dernier mot. Zenit - Face aux Nonces d’Amérique latine, le Saint-Père a fait référence à la pression de lobbies qui pourraient peser négativement sur les processus législatifs. Y a-t-il des groupes de pression, des lobbies promouvant la culture de la mort ? Mgr Schooyans - Pour répondre à cette question, il faut d’abord clarifier les termes. Les partisans du laïcisme entretiennent soigneusement la confusion entre laïcisme et laïcité. Par le mot laïcité, on entend depuis Renan la séparation de l’Église et de l’État, du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel. En principe, la laïcité ne soulève pas de problème majeur dans nos sociétés. Quant au laïcisme, c’est une doctrine se réclamant explicitement de la tradition illuministe. Cette doctrine s’est toutefois laissé imprégner par ses satellites idéologiques, notamment fasciste et écologiste. Cette doctrine entend justifier l’élimination de toute croyance, chrétienne ou autre. Le laïcisme est en outre un faisceau de mouvements d’action qui militent pour faire triompher ce rationalisme anti-religieux. Certaines républiques européennes se sont attribué un rôle messianique dans la divulgation universelle du laïcisme. C’est le cas de la France et de l’Espagne, qui tentent d’exporter leur laïcisme, la France vers l’Europe, l’Espagne vers l’Amérique latine. Michel SCHOOYANS, avec la collaboration d’Anne-Marie LIBERT, « Le terrorisme à visage humain », Paris, Éditions François-Xavier de Guibert, 2006. Prêtre belge, Mgr Schooyans est professeur ordinaire émérite de philosophie politique et d’idéologies contemporaines à l’Université catholique de Louvain et membre de l’Académie pontificale pour la Vie, de l’Académie pontificale pour les Sciences sociales et de l’Académie mexicaine de Bioéthique. Il est consulteur du Conseil pontifical pour la Famille. [Fin de la première partie] Zenit.org, 2006. Tous droits réservés - Pour connaitre les modalités d´utilisation vous pouvez consulter : www.zenit.org ou contacter infosfrench@zenit.org - Pour recevoir les news de Zenit par mail vous pouvez cliquer ici |