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 - 7 juin 2025 - Sainte Marie-Thérèse
Publié le : 20 mars 2007 Source : Zenit.org
 

 

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Le p. Mattheeuws analyse l’exhortation sur l’Eucharistie « Sacramentum Caritatis » (III)

ROME, Mardi 20 mars 2007 (ZENIT.org) – « Il faut la lire ! Avec les yeux ouverts ! (…) Tel est le but poursuivi : approfondir le sacrement d’un amour qui nous dépasse » : dans cet entretien, le P. Alain Mattheeuws, jésuite belge, présente quelques clefs pour susciter la lecture de l’exhortation apostolique post-synodale de Benoît XVI, « Sacramentum Caritatis ».

Le P. Mattheeuws, sj, expert au synode d’octobre 2005 sur l’Eucharistie, « source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise », est en effet co-auteur d’un « guide de lecture » accompagnant le texte de l’exhortation apostolique « Le sacrement de l’amour », présentée par le cardinal Godfried Danneels, archevêque de Malines-Bruxelles (éd. « Fidélité », www.fidelite.be).

Ce deuxième grand document du pontificat a été présenté au Vatican il y a une semaine (cf. Zenit des 13 et 14 mars, et, pour les 1ère et 2e parties de cet entretien, Zenit des 15 et 19 mars 2007).

Q - Plusieurs thèmes restent « controversés », qu’est-ce qui vous apparaît comme décisif et original dans cette exhortation ?

P. A. Mattheeuws - Ce que j’ai dit dans la première interview, en novembre 2005 sur les points délicats tels que le célibat sacerdotal, les divorcés remariés, la cohérence morale me semble pouvoir encore être utile pour comprendre ce qu’en dit maintenant l’exhortation. Par ailleurs, pour répondre à votre question, il me semble qu’il faut souligner trois points théologiques décisifs et approfondis de manière originale : la beauté, le culte et la vie, l’adoration.

Commençons par la Beauté. En italien, le mot « stupore » a une belle sonorité : il chante le mystère. Il évoque et traduit pour l’eucharistie, les mots d’ « émerveillement », de « stupeur », d’« étonnement ». La liturgie eucharistique est un acte de louange qui ouvre les personnes devant le mystère. Elle est « veritatis splendor », splendeur de la vérité (titre d’une encyclique consacrée à la théologie morale !) (n°34). En soi, la liturgie est liée à la beauté. Cette beauté est à comprendre non pas comme un esthétisme de bon ou de mauvais aloi. Elle est « christologique » : elle fait resplendir le visage du Christ dans l’histoire humaine. En ce sens, l’eucharistie est bien d’abord le fait de Dieu avant d’être le fait de l’Eglise. Elle lui est confiée. Elle la construit dans le temps et dans l’espace. Mais il est primordial de comprendre les traits de ce visage : ils appartiennent au mystère pascal (n°36). Jésus est à la fois « le plus beau des enfants des hommes » (Ps 45,3) et celui qui « n’était ni beau ni brillant pour attirer nos regards » (Is 53,2). Ces paroles de l’Ancien Testament nous aident à comprendre celles du Nouveau : « Qui m’a vu, a vu le Père » (Jn 14,18) ou bien, les mots de Pilate présentant Jésus : « Voici l’homme » (Jn 19,5). Contempler le Christ et son action, c’est ne jamais détourner son regard de ce qu’est l’homme. L’Esprit seul nous découvre son passage en nos vies.

Ensuite le culte et la vie

Le culte spirituel dont nous parle saint Paul (Rm 12,1) n’est pas spiritualisant au point de nous abstraire du temps. Au contraire, il nous place dans le temps. Le Christ se fait « nourriture de vérité et d’amour » en nous pour que nos vies deviennent « cohérentes » dans nos actions et nos pensées. La vie morale est intimement liée à cette offrande du Christ. Cette « vie » nouvelle est à la fois transformée et transformante. L’eucharistie ne nous mène pas au ciel sans nous placer en responsabilité sur la terre, face aux hommes et au cosmos. Les mots « cohérence », « dynamisme », « transformation », « fission nucléaire », « sacrifice saint », « communion », tâchent de rendre compte de cette articulation entre la liturgie eucharistique et la liturgie de la vie qui nous est confiée et qui est la nôtre. Le culte agréable à Dieu, c’est de « vivre selon le dimanche » (n°72). C’était la terminologie d’Ignace d’Antioche pour qualifier les chrétiens.

Enfin, l’adoration

Plusieurs interventions ont souligné l’importance en Occident de l’adoration eucharistique (n°66-67). L’évêque de Tarbes et Lourdes, Mgr J. Perrier, avait noté son actualité pour la prière des jeunes et donné des critères de discernement et d’accompagnement. L’adoration du côté latin a surgi non pas comme une nouvelle forme de prière ou de dévotion, non pas d’abord pour « garder Jésus auprès de soi » ou risquer même de le chosifier, mais pour inscrire la « forme » eucharistique dans l’histoire humaine (n°76). Saint Augustin (cité au n°70) dit de belle manière que si nous mangeons le corps du Christ et nous buvons à la coupe de son sang, le mouvement réciproque est encore plus vrai : c’est le Christ qui nous prend en son corps et fait de nous son corps. L’acte de manducation est de totale et mutuelle confiance. Il doit être fait en « adoration véritable ». Cependant la plus belle des Eucharisties, puisque et tant que notre vie se poursuit, ne nous permet pas d’être totalement mis en Lui, transformé. L’Eglise elle-même est appelée à grandir et à se sanctifier encore et toujours comme « corps du Christ ». Cette « extériorité » que nous pouvons éprouver par rapport à l’acte sauveur du Christ nous est manifestée dans l’acte d’adoration de son corps. Il nous faut passer du temps devant Lui pour que notre être passe en Lui. C’est la Pâque ! Le temps que nous sommes, l’histoire qui est la nôtre a besoin de ce temps d’adoration pour « passer en Lui » totale ment. L’acte du Christ sauveur a besoin de temps pour opérer en nous les fruits du salut. Dans l’adoration véritable et humble de son corps eucharistique, nous avouons notre désir d’être tout entier en Lui et en même temps nous avouons que seule sa grâce peut « faire » cela et que Dieu prend son temps. Toute une théologie de l’histoire est comprise dans ce lien entre l’Acte pascal du Christ et l’adoration de son corps. Ce point est décisif pour la mission et pour l’évangélisation.

Q - D’autres points restent douloureux à en croire différents commentaires ? Quel devrait être le « bon usage » de cette exhortation ?

P. A. Mattheeuws - Il faut la lire ! Avec les yeux ouverts ! Si on se fixe uniquement sur ses propres désirs et attentes, on sera frustré ou bien, pire encore, dans la variété des points de l’exhortation, on trouvera toujours un point sur lequel se bloquer et se rigidifier. Avant d’en parler il faut lire l’exhortation calmement, seul ou en bonne compagnie, avec un commentaire. Chacun trouvera dans le texte des points qui l’attireront ou le contraire. Il faut s’arrêter sur les consonances que l’on a pour telle ou telle expression. Ce qui ne résonne pas avec notre mentalité, notre manière de voir, notre sensibilité : il faut l’affronter et essayer de comprendre. Toutes les questions ne sont pas résolues dans une exhortation ou même dans un compendium. Mais voyager paisiblement entre ce qui attire et ce qui éloigne, nous permet peut-être d’approfondir un Mystère qui est au-delà des mots. Tel est le but poursuivi : approfondir le sacrement d’un amour qui nous dépasse.

[FIN]



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