Publié le : 15 mars 2007 Source : Zenit.org
Les newsLa force de l’Eucharistie pour les Eglises persécutées ou minoritairesROME, Jeudi 15 mars 2007 (ZENIT.org) – « Dans les lieux où l’Eglise est persécutée ou minoritaire, les évêques témoignaient de la force qu’est l’Eucharistie pour la vie personnelle et ecclésiale » : dans cet entretien, le P. Mattheeuws, jésuite belge, explique ce qu’a signifié pour lui être « expert » au synode sur l’Eucharistie d’octobre 2005 à Rome, et il présente quelques éléments pour la lecture de l’exhortation apostolique de Benoît XVI. Le Père Alain Mattheeuws, s.j., expert au synode de 2005 est co-auteur d’un « guide de lecture » de l’exhortation apostolique post-synodale de Benoît XVI « Sacramentum caritatis » (cf. Zenit du 13 mars). Nous publierons ultérieurement le second volet de cet entretien. Q : Père Mattheeuws, quelle était votre tâche en tant qu’expert pendant le synode de 2005 ? P. A. Mattheeuws : Les experts sont nommés par le pape et sont au service du secrétaire général du Synode. Il y a variété d’experts selon les langues et les compétences. L’expert est au service du secrétaire général et des secrétaires particuliers pour la correction des documents, la recherche de certaines références, la traduction en diverses langues, le discernement des enjeux. Il agit en connivence, en complicité fraternelle, en vérité pour ce qu’il comprend. Le terme latin est « adjutor », celui qui aide simplement. On n’est pas dans les mêmes catégories que les experts d’entreprises ! Dans le déroulement du synode, nous assistions à toutes les séances générales et étions témoins de toutes les interventions. Chacun de nous avait par ailleurs l’un ou l’autre thème à suivre pour mémoriser in vivo ce qui était dit, discuté, affirmé dans la grande salle. Le premier travail était donc un travail d’écoute et de discernement des enjeux pour les mettre en mémoire et permettre l’élaboration du deuxième rapport (relatio) du Cardinal A. Scola : synthèse des questions et des enjeux des interventions. Ce travail était vaste et austère. Une autre phase pour chacun d’entre nous fut la participation aux circuli minores : sous-groupe linguistique de 15 évêques, deux ou trois experts, un observateur, un frère séparé. Discussion thématique, échange informel, élaboration des propositions. Avec deux autres experts, j’étais dans un sous-groupe de haut niveau théologique, très ouvert, discutant de points fondamentaux avec des évêques de tous les continents. La parole nous était donnée facilement non seulement pour répondre à des questions mais même pour en susciter. Durant la phase des amendements et propositions, nous pouvions proposer à l’un des évêques de prendre en charge l’une ou l’autre de nos suggestions. Donc, travail dynamique, parfois en tensions puisque les problématiques culturelles et ecclésiales étaient fort diverses. Qu’est-ce qui vous a le plus frappé pendant le synode de 2005 ? P. A. Mattheeuws : Comme pour plus de la moitié des évêques et des experts, c’était notre première expérience synodale. Le nombre des participants était très élevé. J’ai été fort sensible aux soucis exprimés librement par ces évêques qui me sont apparus vraiment comme des pasteurs liés à leur peuple, à leur culture, à leur Eglise particulière. Cette particularité était comme un défi pour eux : il s’agissait non seulement d’apprendre à se connaître et à s’estimer, mais de faire l’effort de saisir les questions posées « ailleurs » dans l’Eglise par la célébration de l’Eucharistie. Dire que c’était un temps fort fraternel, c’est dire ce travail de prise de conscience des enjeux non seulement de sa région, mais de l’Eglise universelle. Les débats étaient ouverts, directs, dans le respect des différences parfois notables de théologie et d’options pastorales. A travers chaque participant, il y a un visage de l’Eglise. Mes impressions sont mélangées : l’Eglise me paraît jeune, dynamique, pleine d’élan sur la terre. Elle est aussi face à des défis redoutables, des inquiétudes, des impuissances incontournables : faim et soif de Dieu, faim et soif de justice, faim et soif d’une liturgie adaptée, faim et soif de serviteurs de l’Eucharistie. Dans les lieux où l’Eglise est persécutée ou minoritaire, les évêques témoignaient de la force qu’est l’Eucharistie pour la vie personnelle et ecclésiale. Certains témoignages qui nous ont été offerts (Rwanda, Brésil, Russie, Chine) nous montraient une grande vitalité, un corps à corps direct et non légaliste avec le mystère pascal, une relation immédiate avec le Seigneur présent dans l’histoire humaine. Il y a aussi des contrastes violents entre des Eglises particulières qui ont de grands désirs de se rassembler (Amérique latine), qui ont faim de l’Eucharistie, qui y passent du temps et s’engagent culturellement et d’autres Eglises où les rassemblements sont plus difficiles, de même que les problématiques et les perspectives d’avenir. L’Occident se heurte frontalement aux conséquences de la sécularisation. Quel était l’enjeu essentiel que vous aviez perçu par rapport au thème choisi ? P. A. Mattheeuws : Ce qui m’apparaissait en novembre 2005 comme le mouvement le plus intérieur, profond et fort, des interventions et de la dynamique du synode, c’était le désir de laisser l’Eucharistie être le mystère central de la foi. N’est-elle pas l’amour en acte ? Son signe « parfait » dans l’histoire ? Ainsi toute tentative d’instrumentaliser l’Eucharistie (en faire un instrument d’unité au lieu d’un fruit de l’unité par exemple), de l’idéologiser à gauche ou à droite, de la réduire à tel ou tel aspect fut « petit à petit » comme écarté, mis de côté, même parfois maladroitement. Dans une analyse sociologique, certains ont parlé de recentrement, de réajustement. Il me semblait plutôt percevoir, à travers des motivations bien différentes, parfois ambiguës, le désir de laisser Dieu être Dieu parmi nous (« Emmanuel ») pour en éprouver les conséquences et en vivre, même s’il fallait renoncer à ses propres idées : le retour au latin, les règles, l’inculturation à outrance, les concepts théologiques. L’exhortation reflète-t-elle pour vous bien le synode ? P. A. Mattheeuws : Elle reflète plus que le synode. Le Pape y recueille, confirme et approfondit tout un chemin synodal : depuis les lineamenta jusqu’à l’instrument de travail élaboré dans la préparation, les synthèses (relatio) faites au début (ante disceptationem) des interventions des évêques et à la fin (post disceptationem) et particulièrement toutes les interventions en sens divers, les 50 propositions élaborés dans les « sous-groupes » (circuli minores). Il faut ajouter pour ce synode l’écho des interventions libres en fin de journées voulues par Benoît XVI. C’est une masse d’informations de genres très variés : depuis des affirmations doctrinales jusqu’aux questions pastorales, depuis les plaintes jusqu’aux louanges, depuis les témoignages émouvants jusqu’aux argumentations plus ou moins pointues. Depuis la publication de l’exhortation je n’ai pas eu le temps de faire une étude « scientifique » de l’usage des « propositions » que nous connaissons tous depuis octobre 2005, mais à première lecture, le pape en fait un grand usage. Ce qui m’étonne le plus, c’est l’abondance et le « mot à mot » de ces reprises : comme si le pape voulait s’effacer comme théologien devant une manière de sentir des membres du synode. Comme si le pape avait voulu laisser parler un collège d’évêques tout en essayant de mettre paix et sérénité sur des questions difficiles, complexes et controversées. Bien sûr, il assume tout à la première personne. Bien sûr, il a mis sa touche personnelle : en reliant ce document avec son encyclique sur l’amour, la vision trinitaire de cet amour, l’unité de la vie sacramentelle (les 7 sacrements), l’importance de célébrer et de vivre de l’Eucharistie. L’amour s’est dit « une fois pour toutes » en Jésus Christ. La récente encyclique du pape le soulignait déjà fortement. Qu’est-ce qui vous frappe le plus dans l’exhortation ? Le texte de l’exhortation présentée par le cardinal G. Danneels et avec un « guide de lecture » rédigé par les PP. A. Mattheeuws, expert au synode et A. Massie, théologien, sera disponible aux éditions « Fidélité » (Bruxelles, www.fidelite.be) à partir de lundi 19 mars. Zenit.org, 2006. Tous droits réservés - Pour connaitre les modalités d´utilisation vous pouvez consulter : www.zenit.org ou contacter infosfrench@zenit.org - Pour recevoir les news de Zenit par mail vous pouvez cliquer ici |