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 - 22 avril 2024 - Saint Léonide
Publié le : 19 mars 2006 Source :
 

 

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Le message chrétien secret de Léonard de Vinci

Si le génie de Léonard de Vinci n’a jamais été mis en doute, sa vie et ses oeuvres ont souvent fait l’objet d’interprétations malveillantes.

Certains livres le présentent comme un incroyant et un homosexuel et, comme tel, menacé par l’Église ; d’autres, comme le « Da Vinci Code » de Dan Brown, en font un maître de l’ésotérisme.

Désireux de remettre les choses à leur juste place, le philosophe Giuseppe Fornari vient de publier un livre intitulé « La bellezza e il nulla. L’antropologia cristiana di Leonardo da Vinci » (« La beauté et le néant. Une anthropologie chrétienne de Leonardo da Vinci »), ed. Marietti.

Pour approfondir le sujet, Zenit a voulu interviewer le professeur Fornari.

— Divers auteurs ont répandu l’idée que Léonard de Vinci était un « naturaliste » éloigné voire opposé à la pensée et à la culture catholiques. Dans votre livre, vous soutenez exactement le contraire. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

— Fornari : L’erreur majeure, d’un Sigmund Freud par exemple, consiste à attribuer à Léonard de Vinci une vision naturaliste analogue à celle de la science des 19e et 20e siècles. Il ne saurait y avoir plus grande déformation de sa pensée. Léonard de Vinci est déjà un moderne, la nature est à ses yeux un immense ensemble de forces et de phénomènes que l’homme doit chercher à connaître et sur lesquels il a le droit d’intervenir, là où c’est possible.

La grande différence par rapport à la vision qui prévaut aujourd’hui, c’est que ces forces sont pour lui d’ordre essentiellement spirituel, l’esprit étant entendu comme une énergie, une finalité qui n’est pas matérielle, mais est intrinsèque à la nature même et renvoie à une origine transcendante.

Une telle vision non seulement n’est pas en contradiction avec la pensée catholique, mais la corrobore plutôt de façon la plus pénétrante. Il s’agissait indéniablement d’une vision « trop en avance » sur son temps, comme en témoignent les incompréhensions de Giorgio Vasari [célèbre surtout pour ses biographies d’artistes italiens ndr.], préoccupé de ce que les recherches scientifiques de Léonard de Vinci aient pu l’avoir conduit à des positions sceptiques et hérétiques sur le plan religieux. Il s’agit donc d’un préjugé ancien, essentiellement fondé sur une incompréhension.

— Selon vous, quelles sont les peintures dans lesquelles Léonard de Vinci exprime son affinité avec la culture et la théologie chrétiennes ?

— Fornari : Incontestablement toutes ses oeuvres à thème religieux, dans lesquelles on perçoit une maturation croissante, jusqu’à atteindre la maturité absolue dans l’« Adoration des Mages ».On retrouve une constante dans ces peintures : la méditation sur la réalité et le rôle central du sacrifice, accepté par le Christ pour le salut de l’Humanité, une méditation qui lui venait de la tradition et des suggestions de théologiens avec lesquels il entretenait de temps à autre des rapports, mais que Léonard de Vinci approfondissait de plus en plus à la lumière d’expériences personnelles difficiles, marquées par sa condition d’enfant illégitime. Tout ceci le conduisit à donner une interprétation d’une bouleversante vérité et profondeur aux grands thèmes de l’incarnation, de la paternité de Dieu et de la maternité de Marie.

Je ne vous donnerai qu’un seul exemple qui m’a particulièrement frappé pendant la composition de mon livre : la « Madonna Benois » conservée au musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. Dans cette oeuvre, encore de jeunesse, nous voyons une Marie, presque une enfant, qui regarde avec un sourire empli d’une joie ingénue et d’une mélancolie secrète, à peine insinuée, l’Enfant qu’elle tient dans ses bras, absorbé dans la contemplation d’une fleur, symbole de sa crucifixion future. Une scène qui se charge de connotations émouvantes si nous songeons que le petit Léonard n’était encore qu’un enfant lorsqu’il a été séparé de sa toute jeune mère naturelle, Catalina, contrainte de faire un mariage réparateur et de laisser le petit « Lionardo » chez son père.

¿Comment ne pas penser à la réélaboration savamment filtrée d’une expérience traumatisante dont Léonard de Vinci avait certainement eu connaissance par sa mère elle-même, en plus de ses propres cicatrices affectives ? On peut mesurer dans cette sorte de « flashback » la proximité de l’artiste avec le contenu plus intime du message chrétien, à travers la réélaboration cognitive de sa propre expérience.

— Vous affirmez que la beauté de l’art est pour Léonard de Vinci le moyen par lequel l’homme s’unit à Dieu. Pouvez -vous illustrer ce concept ?

— Fornari : il s’agit là d’un sujet articulé et complexe car nous devons, pour le reconstituer, conjuguer les observations explicites de l’artiste avec ce que nous pouvons déduire d’autres témoignages, et surtout de ses propres oeuvres. Léonard de Vinci part d’une vision qui remonte du moins en partie au platonisme florentin, selon lequel la beauté atteste l’existence d’une sphère idéale, supérieure à la corruption du monde matériel, mais cette réflexion est emplie d’implications qui sont loin d’être réconfortantes. Cette prodigieuse facilité avec laquelle il savait façonner cette « divine beauté » doit l’avoir mis en garde. En effet, son énorme talent lui donnait aussi le pouvoir de l’utiliser pour favoriser par exemple la vanité, l’ambition, la sensualité.

La beauté de l’art est donc ambiguë et dépend de notre réponse pour résoudre son ambiguïté dans une orientation authentiquement spirituelle, ou dans un sens plus équivoque et superficiel. Selon moi, cette méditation sur l’ambivalence de la beauté et sur la mise en cause de notre liberté a pris de plus en plus d’importance dans la carrière de cet artiste.

La voie unique de sortie est l’image même du Christ. En acceptant d’être notre égal, Il nous montre l’unique solution : l’acceptation de la souffrance et du sacrifice par amour pour les autres. C’est ainsi, à travers lui, que nous pouvons renaître, et la beauté du monde, qui semblait détruite et l’était, ressuscite par l’amour. L’image du Christ réalise l’image et la ressemblance avec Dieu, qui nous a créés, et la beauté du Christ se révèle comme la beauté du corps ressuscité, de la création conduite à la rédemption. Avec ce Dieu, qui se fait notre image, nous devenons nous-mêmes son image. Là réside, je crois, le secret du sommet de l’art chrétien, le secret de l’art de Léonard de Vinci.


Source : Zenit


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