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 - 6 mai 2024 - Sainte Prudence
Publié le : 3 novembre 2005 Source :
 

 

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Lettre ouverte d’un Séminariste à l’Abbé Pierre

Mon Père,

Seuls les géants de la foi et de l’humilité peuvent reconnaître avec simplicité leurs doutes et leurs erreurs, et eux seuls n’ont pas peur de s’abaisser devant les hommes parce qu’ils savent que leur seul juge, c’est le Seigneur. Une humilité qui comme celle de Jean-Paul II ou Benoît XVI provoque en en moi une profonde estime et une grande sympathie à votre égard.

Et à la différence des gens à la mode, vous venez nous parler des questions essentielles, de celles qui engagent la vie toute entière. Peu de fois j’ai entendu parler aussi franchement de la fidélité à un « choix de vie » et de l’acceptation, parfois douloureuse, comme vous le dites si bien, des conséquences d’une consécration totale à Jésus et à nos frères les hommes.

Combien de ceux qui vous jugeront, loueront, vitupèreront ou excuseront savent ce que signifie un choix de vie aussi exigeant ? Seulement les personnes qui ont courageusement opté pour la fidélité réciproque et exclusive peuvent comprendre et aucun d’entre eux, je peux vous l’assurer, ne vous reniera, même s’il s’exprimera sans doute différemment, comme ce cardinal Bavarois :

« Là nous vivions en en contact étroit, étudiants et professeurs, mais aussi étudiants et étudiantes, de telle sorte que la question du renoncement [au mariage] et de son sens s’imposait en termes plutôt concrets, en raison précisément de cette vie quotidienne en commun. Je me suis souvent confronté à ces questions dans le beau parc de Fürstenried et, évidement dans la chapelle, jusqu’à ce qu’à l’automne 1950 je puisse prononcer un oui convaincu à l’occasion de mon ordination diaconale » Joseph Ratzinger - Le sel de la terre.

Mon expérience personnelle, confirmée par celle de toutes les personnes que j’ai rencontrées, à commencer par mes formateurs au séminaire, m’a enseigné que le désir sexuel est dans la nature de l’homme et que nous l’avons tous rencontré à un moment ou à un autre. Aussi je suis entièrement d’accord avec vous quand vous dites que le désir sexuel, pour être pleinement satisfait, a besoin de s’exprimer dans une relation d’amour tendre et basé sur la confiance, parce que seulement ainsi l’acte sexuel est ce qu’il signifie comme le disait déjà Jean-Paul II dans Amour et responsabilité, reprenant et approfondissant ainsi la riche tradition de l’Eglise :

« L’impulsion sexuelle, dans l’homme, a une tendance naturelle à se transformer en amour, et cela est du au fait que les deux objets en question, qui se différencient grâce a leurs caractéristique psychophysiologiques sexuelles, sont des êtres humains. Le phénomène de l’amour est propre au monde des hommes, dans le monde animal, agit seulement l’instinct sexuel.

Cela dit, l’amour n’est pas seulement une cristallisation biologique, ni même psychophysiologique, de l’impulsion sexuelle ; il est substantiellement différent. Bien qu’il naisse et se développe à partir de cette tendance, et dans les conditions créées par celle-ci dans la vie psychophysiologique d’un homme concret, elle ne cesse pas pour autant de se former grâce aux actes volontaires pris au niveau de la personne. »

Cela signifie pour autant qu’il est possible de vivre sans satisfaire ce désir sexuel comme la contradiction que vous avez ressenti en cédant à une tentation momentanée le montre avec évidence. L’homme est bien davantage que la simple dimension sexuelle, même si celle-ci est constitutive de son être. Sans cette dimension nous ne pourrions pas exister, ni choisir de renoncer à elle afin d’obtenir un bien plus élevé qui est le Christ. Nous savons bien que « tous ne comprennent pas ce langage, mais ceux-là à qui cela est donné » Mt 19,11. Et de ceux qui ont compris cela et ont renoncé à la dimension sexuelle, Jésus dit qu’ils « sont des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels à cause du Royaume des Cieux. » parce que « quiconque aura laissé maisons, frères, sœurs, père, mère, enfants ou champ, à cause de mon nom, recevra bien davantage et aura en héritage la vie éternelle » Mt 19,29.

Voilà donc le seul et unique motif du renoncement à la sexualité que propose le Christ à ceux qui veulent le suivre de plus prêt ; l’amour pour lui et pour les âmes, soutenu par la certitude d’opter pour la récompense maximum, le bonheur sans fin du ciel.

Comme le dit Saint Paul avec son grand bon sens « Le célibataire se préoccupe du Seigneur, de comment plaire au Seigneur. L’homme marié se préoccupe des choses de ce monde, de comment plaire à sa femme ; pour autant il divisé » 1Co 7,32-34. La virginité a donc pour objectif d’unifier la personne en la focalisant sur le Christ à travers lequel tous les autres sont aimés, parce qu’ils sont le Christ incarné dans la vie quotidienne Cf. Mt chap. 25. « Pour autant celui qui se marie avec sa fiancé fait bien. Et celui qui ne se marie pas fait mieux encore » 1Co 7,38.

Et il fait bien parce que celui qui renonce au mariage par amour du Christ ne cesse pas d’aimer, au contraire, il aime davantage et en plénitude ! Le Seigneur, en nous appelant à le suivre, nous invite à aimer comme il aime, in extremo, cf. Jn 13,3, jusqu’au bout, sans limites, jusqu’à verser la dernière goutte de notre sang par amour pour lui et pour les hommes, comme il le fit pour nous sur la croix. Une folie, oui, mais une folie d’amour, qui aime au point de vouloir tout souffrir, pourvu que la personne aimée se sauve.

Et de cet amour sans limites, malgré ou avec toutes les fautes que vous avez pu commettre, vous avez donné un grand exemple. « Les hommes regardent les apparences, mais Dieu regarde le cœur » 1Sm 16, 7 parce que « au soir de la vie nous serons jugés sur l’amour » comme dit Saint Jean de la Croix. Un amour qui naît de la foi en Dieu qui est un déjà, mais pas encore qui ne cesse de nous interroger comme le cardinal Ratzinger dans le livre déjà cité. « la question que je ferais est en réalité celle de chacun : pourquoi le monde est ainsi, que signifie donc toute la souffrance qu’il y a en lui, pourquoi le mal est-il si puissant, si Dieu est réellement tout-puissant ? »

Il n’y a que les gens superficiels pour croire que le temps, en passant, apporte la réponse à toutes les questions essentielles. Au contraire l’approche de la mort et l’accroissement de notre sensibilité à la douleur rendent ces questions chaque jour plus pressantes, nous obligeant ainsi à confier davantage en Dieu, à nous arrimer plus fermement à la certitude de la victoire du Christ.

Et pour la même raison, même si ne partage pas tous vos points de vue, je ne peux que reconnaître la validité des questions que vous posez sur les unions entre homosexuels, le sacerdoce de femmes, le mariage des prêtres. Je suis fermement attaché aux positions défendues par l’Eglise et le Pape, à travers la foi appuyée sur la réflexion et la prière personnelle, mais il est tout à fait incontestable que ce sont des questions réelles et profondes.

Il n’y a donc que ceux qui ne connaissent pas la foi chrétienne qui appelleront scandale ce qui n’est que la nécessaire et légitime interrogation d’un homme qui affronte le difficile chemin de la vie avec sérieux et courage. Aussi unis au Christ par la prière et la foi commune nous affrontons ensemble la question centrale de la vie « Mon Dieu... pourquoi ? »

Xavier Ferry - séminariste à Rome


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