Publié le : 15 janvier 2010 Source : Zenit.org
Les newsLa preuve vivante d’un réseau clandestin de Pie XII pour aider les juifsROME, Vendredi 15 janvier 2010 (ZENIT.org) - Certains secteurs de l’opinion publique ont demandé ces dernières semaines des preuves de l’aide que Pie XII a apportée aux juifs durant la persécution nazie. Le prêtre italien Giancarlo Centioni, âgé de 97 ans, en est la preuve vivante car il est le dernier membre en vie du réseau clandestin créé par le pape Pacelli. Entre 1940-1945, il était aumônier militaire à Rome au sein de la Milice volontaire pour la sécurité nationale et vivait chez des prêtres allemands de la Société de l’apostolat catholique (les pères Pallotins), qui l’ont impliqué dans ce réseau d’aide. « Comme j’étais un aumônier fasciste, il était plus facile d’aider les juifs », explique-t-il dans un entretien accordé à ZENIT et à l’agence multimédia www.h2onews.org, pour expliquer les raisons ayant motivé le choix de le faire participer à une opération à risque. « Mes confrères Pallotins, venus de Hambourg, avaient fondé une société, la société ’Raphaël’s Verein’ (société de Saint Raphaël), instituée pour venir en aide aux juifs », révèle-t-il. Un des objectifs du réseau consistait à faire sortir des juifs d’Allemagne et, en les faisant passer par l’Italie, de leur faire gagner la Suisse ou Lisbonne (Portugal), raison pour laquelle le réseau comptait sur un un certain nombre d’hommes dans chacun de ces quatre pays. Au fil du temps, des juifs ont rejoint eux aussi ce réseau. En Allemagne, se souvient don Centioni, la société était conduite par le père Josef Kentenich, connu dans le monde comme le fondateur du Mouvement apostolique de Schönstatt. Ce père pallotin a ensuite été fait prisonnier et enfermé dans le camp de concentration de Dachau jusqu’à la fin de la guerre. « A Rome, au numéro 57 de la Via Pettinari, le chef de toute cette activité était le père Anton Weber, qui était en contact direct avec Pie XII et la Secrétairerie », raconte le père italien. Une des activités principales du réseau consistait à remettre passeports et argent aux familles juives pour qu’elles puissent s’enfuir. « L’argent et les passeports étaient donnés par le père Anton Weber et remis aux personnes. Mais lui-même l’obtenait directement [sur la vidéo de l’entretien, le père insiste sur le mot ‘directement’] de la secrétairerie d’Etat, au nom et pour le compte de Pie XII ». « A Rome, au moins 12 prêtres allemands ont participé avec moi à cette opération de secours », poursuit le prêtre, expliquant que la police italienne avait elle aussi apporté une aide décisive, en particulier le sous-préfet de police de Mussolini, Romeo Ferrara, qui lui disait où se trouvaient les familles juives auxquelles il devait livrer les passeports, « même de nuit ». Parmi ceux qui ont été aidés par le père Centioni à Rome se trouve la famille Bettoja, juive, propriétaire d’hôtels en ville. Le policier l’avait envoyé chez eux de nuit, habillé en aumônier militaire italien, pour ne pas se faire arrêter par les soldats allemands. Le père se souvient très bien de la peur éprouvée et des difficultés rencontrées durant l’opération, la famille qu’il devait aider étant elle-même méfiante. « Je frappais à leur porte, mais ils ne voulaient pas ouvrir. A la fin j’ai dit : ’regardez, je suis prêtre, un aumônier, je viens pour vous aider, pour vous apporter un laisser-passer’ ». « ’Jurez-le’, a répondu une voix de l’autre côté de la porte. ’Je le jure, me voici, vous pouvez me voir à travers le judas’ ». Le père italien a été reçu par madame Bettoja et ses enfants. « J’ai dit : ‘Prenez votre voiture et partez de chez vous avant sept heures, car à sept heures, de la frontière du Latium vous pouvez aller à Gênes. Ils ont pris la fuite et ont eu la vie sauve. C’est une des nombreuses familles ». « Tant de braves gens », commente-t-il, pensant surtout aux familles juives. « Parmi ceux qui nous ont ensuite aidés il y a eu deux juifs que nous avons cachés : un homme de lettres, (Melchiorre) Gioia, et un grand musicien auteur compositeur de Vienne de l’époque, qui écrivait des chansons et composait des opérettes, Erwin Frimm ». Le prêtre les avait cachés dans des maisons à Rome, en l’occurrence dans sa résidence religieuse de Via Pettinari, 57. « Et eux nous ont beaucoup aidés en nous donnant des indications précises », reconnaît-il. Une action où l’on pouvait risquer sa propre vie, comme le prêtre a pu vite le constater. « J’ai aidé Ivan Basilius, un espion russe, sans savoir qu’il était russe ou espion. Hélas les SS l’arrêtèrent et dans son calepin se trouvait mon nom. Alors, ciel ouvre-toi ! Le Saint-Siège m’appela, Son Excellence Hudal [haut et influent prélat allemand à Rome] et me dit : « venez ici, les SS viennent vous arrêtez ». « Qu’est-ce que j’ai fait ? ». « Vous avez aidé un espion russe ». « Moi ? Qu’est-ce que j’en sais ? C’est qui ? ». Alors je me suis enfui. Don Centioni, en tant qu’aumônier, connaissait l’officier allemand Herbert Kappler, commandant de la Gestapo à Rome et auteur du massacre des Fosses ardéatines, où furent assassinés 335 Italiens, dont beaucoup de civils et de juifs. « Durant la période allemande, après le massacre du mois de mars [aux Fosses ardéatines], j’ai dit à Kappler, que je voyais souvent : ‘pourquoi n’avez-vous pas appelé les aumôniers militaires aux Fosses ardéatines ?’. ‘Parce que je les aurais éliminés et vous aurais éliminé vous aussi », avait répondu l’officier nazi. Le cas de don Centioni a été découvert et analysé, en le comparant à d’autres témoignages, par la Pave the Way Foundation (http://www.ptwf.org), fondée par le juif de New York Gary Krupp. L’avocat italien Daniele Costi, président de la fondation en Italie, garantit la bonne foi de cet entretien. Le récit trouve confirmation dans la remise d’une décoration à don Centioni par le gouvernement polonais en exil (une croix en or avec deux épées « pour notre et votre liberté »). Le prêtre italien cite en outre les manifestations de gratitude reçues par certains juifs qu’il avait aidés : M.M. Zoe et Andrea Maroni, le professeur Melchiorre Gioia, le professeur Aroldo Di Tivoli, les familles Tagliacozzo et Ghiron, dont les enfants ont pu avoir la vie sauve, en gagnant les Etats-Unis, munis de passeports de fortune délivrés par l’intermédiaire du Vatican. [Pour voir l’entretien : www.h2onews.org] Propos recueillis par Jesús Colina Zenit.org, 2006. 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