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 - 17 mai 2024 - Saint Pascal Baylon
Publié le : 3 juillet 2005 Source : Zenit.org
 

 

Les news

Ouverture de la cause de béatification de Jean-Paul II : Homélie du card. Ruini (I)

ROME, Dimanche 3 juillet 2005 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous la première partie de l’homélie que le cardinal Camillo Ruini, vicaire du pape pour Rome, juge ordinaire du Tribunal diocésain, a prononcée lors de l’ouverture du procès diocésain de béatification de Jean-Paul II, mardi 28 juin.

* * *

Le 13 mai dernier, en la fête de la Vierge de Fatima, dans cette Basilique du Latran, le Saint-Père Benoît XVI annonçait, au terme de son premier discours au clergé romain, qu’il avait accordé la dispense de cinq ans d’attente après la mort du serviteur de Dieu Jean-Paul II (Karol Wojtyla) et que la cause de béatification et de canonisation de ce Serviteur de Dieu pouvait donc commencer immédiatement. Quarante et un jours seulement s’étaient écoulés depuis la mort de Jean-Paul II et ce jour marquait également le 24e anniversaire de l’attentat commis contre lui Place Saint-Pierre, le 13 mai 1981.

Dans la certitude d’interpréter vos sentiments unanimes, je désire renouveler au Saint-Père Benoît XVI l’expression de la très profonde gratitude du diocèse de Rome, de celui de Cracovie et du monde entier pour cette décision, à travers laquelle il a accueilli l’instance d’un très grand nombre de pères cardinaux, qui se sont fait l’écho de la supplique commune et ardente qui s’est élevée du peuple de Dieu au cours des jours inoubliables de la mort et des obsèques de Jean-Paul II.

Toute parole que je pourrais à présent ajouter, comme cela a toujours lieu au terme de la session d’ouverture de l’enquête diocésaine sur la vie, les vertus, et la renommée de sainteté d’un Serviteur de Dieu, pour illustrer la figure de Jean-Paul II et justifier l’ouverture de sa cause de béatification et de canonisation, semble d’un certain côté superflue, tant est grande et universelle notre connaissance de lui et tant est profonde et unanime notre conviction de sa sainteté. Ce que je m’apprête à dire, toutefois, naît du plus profond de mon cœur et j’espère que mes paroles trouveront un écho dans le cœur de chacun de vous.

Karol Józef Wojtyla est né à Wadowice le 18 mai 1920, de Karol et Emilia Kaczorowska, parents profondément catholiques, et a été baptisé le 20 juin de la même année dans l’église paroissiale de Wadowice. La Pologne avait depuis peu retrouvé son unité et son indépendance, et seulement deux mois plus tard, les 16 et 17 août, elle sut les défendre victorieusement, pour elle et pour l’Europe, en repoussant l’invasion de l’Armée rouge dans la bataille appelée « le miracle de la Vistule ». J’évoque cet événement, qui permit à l’enfant et à l’adolescent Karol de grandir et de se former dans un contexte social et culturel sereinement marqué par le catholicisme, parce que j’ai personnellement entendu Jean-Paul II rappeler en de multiples occasions, et avec une gratitude émue, le « miracle de la Vistule ».

En septembre 1926, Karol, appelé familièrement Lolek, commence à fréquenter l’école élémentaire. Puis, encore enfant, à l’âge de 9 ans, le 13 avril 1929 il perd sa mère, décédée des suites d’une maladie, à l’âge de 45 ans. Un mois plus tard, il fait sa première communion. En 1930, il entre au collège, au lycée communal de Wadowice, et choisit la branche néo-classique. Mais à nouveau, le 5 décembre 1932, Karol est frappé par un très grave deuil, avec la mort de son frère aîné, Edmund, jeune médecin qui perd la vie en soignant les malades pendant une épidémie de scarlatine. Resté seul avec son père, il est guidé par lui vers une vie dans laquelle la prière et l’ascèse ont une place déterminante, et c’est ainsi que, non seulement l’étude, mais également le jeu, le divertissement et le sport trouvent une place adéquate. Une autre personne contribuera largement à la formation chrétienne de Karol Wojtyla : le père Kazimierz Figlewicz, un jeune prêtre qui enseignait depuis 1930 le catéchisme à l’école de Wadowice et qui suivait les enfants de chœur, parmi lesquels Karol, à la paroisse. Le petit Wojtyla se confessait à lui, l’admirait, et s’attacha profondément à lui. Le prêtre, quant à lui, décrit Karol comme « un garçon très vif, de grand talent, très éveillé et très bon ».

Les traits particuliers de la piété dans laquelle le garçon est formé sont l’amour pour la Vierge Marie et la dévotion à l’Esprit Saint, caractéristiques qui demeurent profondément inscrites dans son âme et auxquelles il est demeuré fidèle depuis toujours. Sa vie religieuse était nourrie par la prière personnelle assidue, la fréquentation régulière des sacrements, les pratiques de piété, en particulier les pèlerinages aux sanctuaires mariaux, mais également par l’engagement dans les associations catholiques : la veille de l’Assomption de l’année 1934, il entra dans l’Association mariale de sa paroisse et deux ans plus tard, il en devint le président.

Dès 1934, Karol commence entre autres à jouer dans des pièces de théâtre et deux ans plus tard, il commence une intense collaboration avec le metteur en scène d’avant-garde Mieczyslaw Kotlarczyk, passionné de théâtre et profondément croyant.

Le 3 mai 1938, Karol fait sa confirmation, et le 27 mai, il obtient son baccalauréat : au cours de la cérémonie de remise du diplôme, il est appelé à prononcer le discours d’adieu. En août suivant, il s’installe avec son père à Cracovie, s’inscrit à la Faculté de philosophie de l’Université jagellone, et suit des cours de philologie polonaise. Comme il l’écrit dans son livre « Don et Mystère », cette route conduisit le futur Jean-Paul II « dans le mystère même de la parole ».

Mais le début de la Deuxième Guerre mondiale, marquée par l’invasion de la Pologne, le 1er septembre 1939, change radicalement le cours de la vie de Karol. Au printemps de cette année, il avait déjà terminé son recueil de poésies alors inédites, « Psautier de la Renaissance/Livre slave », dont fait partie l’hymne « Magnificat », dans lequel on peut lire : « Voici, je remplis jusqu’au bord la coupe avec le suc de la vigne dans ton banquet céleste. Moi, ton serviteur orant, reconnaissant car mystérieusement, tu rendis angélique ma jeunesse. Car du tronc d’un tilleul, tu sculptas une forme robuste. Tu es le plus grand, le plus puissant des Sculpteurs de saints ». Ces paroles, que nous ne pouvons écouter sans ressentir une profonde émotion, disent beaucoup non seulement sur la vie, la profondeur spirituelle, la compréhension de soi et le génie poétique du jeune Wojtyla, mais également, de façon prophétique, sur la façon dont la Providence devait graver sa figure et sa personne à travers les drames et les événements imprévus de l’histoire.

L’Université jagellone fut contrainte d’interrompre ses cours et, en septembre 1940, pour éviter la déportation aux travaux forcés en Allemagne, le jeune Karol commença à travailler comme ouvrier dans une carrière de pierre dépendant de l’usine chimique Solvay, au sein de laquelle, un an plus tard, il fut employé. La façon dont cette expérience l’a influencé, et lui a donné une expérience plus profonde et plus complète de la réalité et des difficultés de la vie, ainsi que de la solidarité entre les homme, est exprimée de façon emblématique dans un vers du poème « La carrière », écrit en 1956 : « Toute la grandeur du travail est dans l’homme ».

Le 18 février 1941, son père, malade depuis longtemps mais dont les jours n’étaient pas en danger, meurt soudainement. Karol perd ainsi don dernier et très fort lien d’affection familiale. Plus tard, il rappellera : « Je ne m’étais jamais senti si seul » qu’en cette nuit de veillée et de prière, en dépit de la présence d’un ami à ses côtés.

La vie dans la Pologne occupée était terriblement dure, l’Eglise était systématiquement persécutée et de très nombreux prêtres furent tués ou emprisonnés. Et pourtant, même dans ces conditions, le jeune Wojtyla non seulement continua à écrire, en particulier à composer des drames, et à réciter dans le « Théâtre Rhapsodique » clandestin, soutenant ainsi la résistance morale à l’oppression nazie et l’identité spirituelle et culturelle polonaise, mais il approfondit également son expérience religieuse, en particulier à travers le contact avec Jan Tyranowski, un tailleur d’une très grande spiritualité et un authentique formateur de jeunes, qui l’introduisit à la lecture des grands mystiques carmélites Saint Jean de la Croix et sainte Thérèse d’Avila, et la rencontre avec le « Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge », de saint Louis-Marie Grignion de Montfort, qui lui fit comprendre plus profondément le lien entre Marie et le Christ, et dont il tira la devise d’abandon marial « Totus Tuus », authentique emblème de sa vie et pas seulement de son épiscopat. Les pèlerinages au sanctuaire marial de Kalwaria contribuèrent à définir cet itinéraire de prière et de contemplation, qui devait orienter les pas du jeune Karol vers le sacerdoce.

Déjà à Wadowice, puis à Cracovie, ses enseignants et amis avaient dit à plusieurs reprises à Karol qu’il leur semblait destiné à l’autel, mais il s’était toujours opposé à cette idée, en particulier parce qu’il était profondément attiré par une autre vocation, celle du théâtre, de l’art des lettres. Dans le mystère de l’appel au sacerdoce, et de l’accueil de celui-ci de la part de Karol, un rôle particulier a été joué, comme Jean-Paul II lui-même l’atteste dans son livre « Don et Mystère », par la grande figure d’Adam Chmielowski, le saint frère Albert, célèbre patriote et peintre polonais, qui eut la force de rompre avec son art lorsqu’il comprit que Dieu l’appelait à servir les déshérités et à partager leur vie. C’est à lui que Karol Wojtyla dédiera sa pièce dramatique « Frère de notre Dieu » puis, devenu pape, il le proclamera bienheureux en Pologne en 1983 et saint à Rome en novembre 1989, tandis que s’écroulait le « rideau de fer ».

La vocation sacerdotale de Karol atteignit sa pleine maturation au cours de l’année 1942 et en automne de cette même année, il prit la décision d’entrer au séminaire de Cracovie, qui fonctionnait de façon clandestine, tout en poursuivant son travail à l’usine. Dans le même temps, au cours de l’itinéraire de formation au sacerdoce auprès de la Faculté théologique de l’Univeristé jagellone, elle aussi clandestine, il commença l’étude systématique de la philosophie, en particulier de la métaphysique. Le cardinal archevêque de Cracovie, le prince Adam Stefan Sapieha, installa peu après son séminaire clandestin dans sa résidence et c’est là que le séminariste Wojtyla trouva refuge à partir de septembre 1944 et vécut la nuit de la libération de Cracovie par l’Armée rouge, le 18 janvier 1945. L’année académique 1945-1946 put se dérouler normalement, et le cardinal Sapieha, ayant décidé que Karol Wojtyla complèterait ses études à Rome, l’ordonna prêtre, en avance sur ses compagnons d’étude, le 1er novembre 1946, dans sa chapelle privée. La description que Jean-Paul II nous a laissée, dans le libre « Don et Mystère », de cette ordination et des trois messes célébrées par le nouveau prêtre le lendemain, 2 novembre, dans la crypte Saint-Léonard de la cathédrale de Wawel, est émouvante.

A la fin de ce mois de novembre, Dom Karol était déjà à Rome, inscrit aux cours de maîtrise en théologie à l’Université pontificale Angelicum, où régnait la figure du prêtre Réginald Garrigou Lagrange, o.p., qui fut également le rapporteur de sa thèse de doctorat, consacrée à la « Doctrina de fide apud S. Ioannem a Cruce », la doctrine autour de la foi selon saint Jean de la Croix, que dom Karol discuta le 19 juin 1948. Ayant habité pendant ces deux années au Collège belge, dans un climat culturellement et théologiquement très vivant, le jeune prêtre polonais fut animé par le profond désir d’« apprendre Rome », qui lui avait été transmis en particulier par le recteur du séminaire de Cracovie, le P. Karol Kozlowski ; de Rome, il apprit en effet non seulement l’histoire et la beauté, mais il en assimila le souffle universel et catholique, qui s’enracinait spontanément dans la grande tradition catholique polonaise. Au cours des vacances d’été, Dom Karol visita en outre la France, la Hollande et la Belgique, se familiarisant d’une part avec les nouvelles problématiques pastorales exprimées dans l’expression « France, pays de mission », et s’arrêtant également à Ars, où, de la rencontre avec la figure de saint Jean Marie Vianney, il tira la conviction que le sacerdoce réalise une partie essentielle de sa mission à travers le confessionnal, comme lui-même l’atteste dans son livre « Don et mystère ». La vision d’ensemble avec laquelle Dom Karol affrontait déjà alors la vie est bien exprimée par ses paroles, rapportées par l’un de ses compagnons prêtres : « Il faut organiser sa vie de façon à ce que celle-ci puisse entièrement glorifier Dieu ».

Fin de la première partie.

[Texte original : italien – Traduction réalisée par Zenit]



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