Publié le : 3 septembre 2007 Source : Zenit.org
Les news« Ministre de la Culture du Saint-Siège », presque un quart de siècleROME, Lundi 3 septembre 2007 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le discours de remerciement du cardinal Paul Poupard, alors président du Conseil pontifical de la Culture et du Conseil pontifical pour le Dialogue Interreligieux, lors de la cérémonie de remise des Insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et Lettres, par M. Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre français de la Culture et de la Communication, le 10 septembre 2006 (cf. http://www.culture.gouv.fr). Monsieur le Ministre, Votre décision – pour moi inattendue – de me décerner le grade de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres de la République Française m’honore grandement. Je vous en exprime ma vive gratitude, redoublée par votre geste exceptionnel de venir à Rome pour me remettre vous-même les Insignes de cette prestigieuse distinction, en cette Villa Bonaparte, siège de notre Ambassade de France près le Saint-Siège. En vous remerciant des paroles trop aimables que le Ministre de la Culture de la République a eues pour celui que l’on appelle cavalièrement sur les bords du Tibre depuis presque un quart de siècle le Ministre de la Culture du Saint-Siège, permettez-moi, cher Collègue, si j’ose cette appellation plus familière que formelle, de dire merci du fond du cœur à Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur de France près le Saint-Siège, et à Madame Bernard Kessedjian, pour avoir convié à cette rencontre de culture, avec de fidèles amis parisiens, tant d’amis romains qui vous témoignent ainsi leur bonheur et leur fierté de vous avoir parmi nous en cette circonstance festive pour les arts et les lettres. A l’aube du troisième millénaire, nous pressentons tous que l’identité culturelle sera sans nul doute la grande question de ce siècle, dès lors que la culture est l’ensemble des valeurs qui donnent aux êtres humains leurs raisons d’être et d’agir, et que nous partageons un passé à assumer et un avenir à assurer, dans un univers multiculturel et pluri-religieux contrasté. Chacun de nous y contribue à sa manière. Pour ma part, vous l’avez souligné, c’est un privilège de le faire avec toutes les ressources de la langue française dans le ministère qui est le mien à Rome. La France et Rome. Une fois encore, vous m’avez fait rouvrir les Regrets jaunis de mon compatriote du petit Lyré, le poète Joachim du Bellay. Et vous m’avez incité à transformer le premier quatrain de l’un de ses sommets les plus fameux. J’oserai l’énoncer ainsi aujourd’hui. « France, mère des arts, des lettres et des lois », avant de démentir le second tercet suivant : Le Français aujourd’hui bien au contraire ne cesse de se faire entendre au rivage latin et sur son versant Vatican, bien entendu de façon privilégiée avec ses sœurs latines, ses cousines anglo-saxonnes et ses plus lointains parents slaves. Paul VI qui me disait, c’était à Pâques 1967, où il m’avait demandé de présenter à la Salle de Presse du Saint-Siège –ce fut ma première Conférence de presse- l’Encyclique Populorum Progressio : « Cette encyclique est née dans un berceau français. Et, avant même qu’elle ne fût, je l’ai aimée ». Un autre souvenir, d’un tout autre ordre, me revient en mémoire. C’est celui de la première réunion du premier Conseil de la Culture, en janvier 1983. Le Président poète Léopold Sedar Senghor, avec un accent métallique que je ne saurais imiter, proféra avec solennité, d’une voix sentencieuse teintée de quelque gourmandise, cet adage savoureux : « Le plus beau mot de la langue française, c’est –je vous le donne en mille !-, c’est confiture ! ». Le Cardinal Agostino Casaroli, alors le jeune Monseigneur Casaroli, à cette époque lointaine où, ce qui était alors la Première Section de la Secrétairerie d’Etat, n’avait pas de minutant français, m’utilisait souvent pour cet exercice périlleux de limer ses textes en parfait français. Il me disait d’ailleurs avec humour : Je suis Archevêque titulaire de Lima ! Si l’usage du français n’est plus ce qu’il était dans les chancelleries, le Conseil Pontifical de la Culture, pour sa part, l’utilise toujours avec autant de profit dans ses rencontres internationales, avec l’anglais bien sûr, l’espagnol et l’italien surtout, mais parfois en duo avec le russe, comme en mai dernier avec nos amis du Patriarcat de Moscou, à Vienne où l’exemple d’ailleurs nous fut donné par le Cardinal Archevêque, Son Eminence le Cardinal Christoph Schönborn, dont j’avais naguère présidé la brillante soutenance de thèse, rue d’Assas. Et quelle joie, à Moscou en juillet dernier, au Sommet Mondial des Leaders Religieux, de pouvoir converser en parfait français avec le Patriarche Theoktist de Bucarest, comme avec plusieurs des Représentants des Patriarcats de Moscou et de Constantinople, et ces jours derniers à la Rencontre d’Assise où des Représentants des grandes religions du monde me rappelaient avec ferveur leurs études à l’Institut Catholique de Paris. Lorsque j’en étais le Recteur, le Président Georges Pompidou, qui était un humaniste, m’avait demandé de participer aux sessions du Haut Comité de la Langue française, où j’avais le privilège de travailler avec d’éminentes personnalités, dont en particulier Gabriel de Broglie, aujourd’hui Chancelier de l’Institut,. Et je pourrais faire miennes les confidences qu’il livrait naguère dans son beau livre « Le Français, pour qu’il vive » (Gallimard, 1986) : Car la langue est plus que le langage. Dans un récent discours au Cercle de la Revue des Deux Mondes, le 13 décembre 2005, vous avez justement souligné, Monsieur le Ministre, l’importance du rayonnement culturel dans les relations internationales, et exprimé votre conviction qui est aussi la mienne : C’est par la culture que la France est plus ancienne qu’elle ne sait, plus grande qu’elle ne croit, plus audacieuse, plus généreuse qu’elle ne l’imagine. Je l’ai redit le 27 octobre dernier à Faro où j’avais l’honneur de présider la Délégation du Saint-Siège pour la Célébration du cinquantième anniversaire de la Convention européenne culturelle du Conseil de l’Europe : « Le Saint-Siège, pour sa part, n’a cessé d’apporter son soutien aux initiatives du Conseil de l’Europe pour que les Européens reconnaissent leur patrimoine commun et divers, favorisent la mobilité et les échanges en vue d’une meilleure connaissance et d’une mutuelle compréhension, et soutiennent le vaste courant de coopération culturelle entre les peuples, objectifs fixés par la Convention (Documentation Catholique, n° 2349, 1er Janvier 2006, p.20). En ce monde plus que jamais pluriel, si le français privilégie la rigueur avec la nuance qui en assure au demeurant l’élégance, il importe de souligner combien l’accès aux grandes langues comme aux moins répandues ajoute de ressources de culture et donc d’humanité, chacune dans son génie propre, tant dans la structure de la pensée que dans le vocabulaire de l’expression, dont la fine pointe est souvent intraduisible dans sa nuance la plus originale. Mais, n’est-ce pas notre désir à tous, hommes d’Eglise aussi bien que diplomates et hommes de bonne volonté que de conjoindre nos efforts pour surmonter la tentation toujours récurrente de Babel par l’Esprit de Pentecôte. Il n’est de culture que de l’universel, non pas d’un universel abstrait, mais d’un universel concret, fait de la richesse des cultures dont la rencontre féconde nous permet d’œuvrer tous à cette civilisation de l’amour dont le Pape Paul VI déjà se faisait le héraut inlassable. Rome, cité des rencontres. Les rencontres culturelles sont d’abord des rencontres humaines. Et quoi de plus humain que la culture, dont chacune en sa propre histoire singulière est porteuse de ferments d’humanisme universel. Rome. Et puisque vous venez, Monsieur le Ministre, de la Ville lumière, permettez-moi de vous dédier ces derniers mots empruntés à mon compatriote poète Joachim Du Bellay qui ne trouva rien de mieux, pour chanter la grandeur de Paris, que de prendre référence à la Ville éternelle : Paris est en savoir une Grèce féconde + Paul cardinal Poupard Zenit.org, 2006. Tous droits réservés - Pour connaitre les modalités d´utilisation vous pouvez consulter : www.zenit.org ou contacter infosfrench@zenit.org - Pour recevoir les news de Zenit par mail vous pouvez cliquer ici |