Publié le : 17 août 2007 Source : Zenit.org
Les newsRencontre du pape avec des prêtres des diocèses de Trévise et Belluno (24 juillet) (II)ROME, Vendredi 17 août 2007 (ZENIT.org) – Au cours de ses vacances dans les Dolomites, le pape Benoît XVI a rencontré, le 24 juillet dernier, un groupe de prêtres des diocèses de Belluno-Feltre et Trévise. Nous publions ci-dessous la deuxième partie du dialogue qui a eu lieu entre le pape et les prêtres (cf. www.vatican.va). La première partie a été publiée hier. D. : Dom Alberto. Très Saint-Père, les jeunes sont notre avenir et notre espérance : mais parfois ils voient dans la vie non pas une opportunité mais une difficulté ; non pas un don pour soi et pour les autres, mais quelque chose qu’il faut consommer tout de suite ; non pas un projet à construire, mais une errance sans but. La mentalité d’aujourd’hui impose aux jeunes d’être toujours fidèles et parfaits, avec la conséquence que chaque petit échec et toute difficulté minime ne sont plus considérés comme un motif de croissance, mais comme une défaite. Tout cela les conduit souvent à des gestes irrémédiables comme le suicide, qui provoquent un déchirement dans le cœur de ceux qui les aiment et de toute la société. Que pouvez-vous nous dire à nous éducateurs qui, souvent, nous sentons les mains liées et sans réponses ? Merci. R. : Il me semble que vous avez donné une description précise d’une vie dans laquelle Dieu n’apparaît pas. Dans un premier moment, il semble que nous n’ayons pas besoin de Dieu, que, sans Dieu nous serions plus libres, et le monde apparaîtrait plus vaste. Mais après un certain temps, chez nos nouvelles générations, on constate ce qu’il advient lorsque Dieu disparaît. Comme l’a dit Nietzsche : "La grande lumière s’est éteinte, le soleil s’est éteint". La vie est alors quelque chose d’occasionnel, elle devient une chose et je dois chercher à faire au mieux avec cette chose et utiliser la vie comme si elle était une chose en vue d’un bonheur immédiat, palpable et réalisable. Mais le grand problème est que si Dieu est absent et qu’il n’est pas le Créateur de ma vie aussi, en réalité, la vie est une simple partie de l’évolution, rien d’autre ; elle n’a pas de sens pour elle-même. Mais je dois au contraire tenter de mettre du sens dans cette partie d’être. Je vois actuellement en Allemagne, mais aussi aux Etats-Unis, un débat assez vif entre ce qu’on appelle le créationnisme et l’évolutionnisme, présentés comme s’ils étaient des alternatives qui s’excluent : celui qui croit dans le Créateur ne pourrait pas penser à l’évolution et celui qui en revanche affirme l’évolution devrait exclure Dieu. Cette opposition est une absurdité parce que, d’un côté, il existe de nombreuses preuves scientifiques en faveur d’une évolution qui apparaît comme une réalité que nous devons voir et qui enrichit notre connaissance de la vie et de l’être comme tel. Mais la doctrine de l’évolution ne répond pas à toutes les questions et surtout, elle ne répond pas à la grande question philosophique : d’où vient toute chose ? et comment le tout s’engage-t-il sur un chemin qui arrive finalement à l’homme ? Il me semble très important et c’est également cela que je voulais dire à Ratisbonne dans ma Conférence, que la raison s’ouvre davantage, qu’elle considère bien sûr ces éléments, mais qu’elle voit également qu’ils ne sont pas suffisants pour expliquer toute la réalité. Cela n’est pas suffisant, notre raison est plus ample et on peut voir également que notre raison n’est pas en fin de compte quelque chose d’irrationnel, un produit de l’irrationalité, mais que la raison précède toute chose, la raison créatrice, et que nous sommes réellement le reflet de la raison créatrice. Nous sommes pensés et voulus et, donc, il existe une idée qui me précède, un sens qui me précède et que je dois découvrir, suivre et qui donne en fin de compte un sens à ma vie. Cela me semble le premier point : découvrir que mon être est réellement raisonnable, qu’il est pensé, qu’il a un sens et que ma grande mission est de découvrir ce sens, le vivre et donner ainsi un nouvel élément à la grande harmonie cosmique pensée par le Créateur. S’il en est ainsi, alors même les éléments de difficulté deviennent des moments de maturité, d’avancée et de progrès de mon être, qui a un sens depuis sa conception jusqu’au dernier moment de ma vie. Nous pouvons connaître cette réalité à partir du sens qui nous précède tous, nous pouvons également redécouvrir le sens de la souffrance et de la douleur ; bien sûr, il y a une douleur que nous devons éviter et que nous devons éloigner du monde : de si nombreuses douleurs inutiles provoquées par les dictatures, par les systèmes erronés, par la haine et par la violence. Mais il y a aussi dans la douleur un sens profond et ce n’est que si nous pouvons donner un sens à la douleur et à la souffrance que peut mûrir notre vie. Je dirais surtout que l’amour n’est pas possible sans la douleur, parce que l’amour implique toujours un renoncement à moi-même, un abandon de moi, une acceptation de l’autre dans sa diversité ; l’amour implique un don de moi et, donc, de sortir de moi-même. Tout cela est douleur, souffrance, mais c’est précisément dans cette souffrance de me perdre pour l’autre, pour l’aimé et donc pour Dieu, que je grandis et que ma vie trouve l’amour et dans l’amour, son sens. Le caractère inséparable de l’amour et de la douleur, de l’amour et de Dieu sont également des éléments qui doivent entrer dans la conscience moderne pour nous aider à vivre. En ce sens, je dirais qu’il est important de faire découvrir Dieu aux jeunes, de leur faire découvrir l’amour véritable qui précisément dans la renonciation devient grand, et de leur faire ainsi découvrir aussi la bonté intérieure de la souffrance, qui me rend plus libre et plus grand. Naturellement, pour aider les jeunes à trouver ces éléments, il y a toujours besoin d’une compagnie et d’un cheminement, que ce soit la paroisse ou l’Action catholique ou un mouvement, ce n’est qu’en compagnie des autres que nous pouvons également découvrir chez les nouvelles générations cette grande dimension de notre être. R. : Merci. Une question fondamentale. La question fondamentale de notre travail pastoral est comment apporter Dieu au monde, à nos contemporains. Evidemment, apporter Dieu revêt de multiples dimensions : déjà, dans l’annonce, dans la vie et dans la mort de Jésus, nous voyons comment cette Unicité se développe dans de nombreuses dimensions. Il me semble que nous devons toujours garder ensemble les deux choses : d’une part, l’annonce chrétienne, le christianisme n’est pas un ensemble très compliqué de nombreux dogmes, au point que personne ne pourrait tous les connaître ; il n’est pas une matière réservée aux savants, qui peuvent étudier ces choses-là, mais c’est quelque chose de simple : Dieu existe et Dieu est proche en Jésus Christ. Ainsi, pour résumer, Jésus Christ lui-même a dit que le Royaume de Dieu est arrivé. C’est ce que nous annonçons. Une chose simple, au fond. Toutes les dimensions qui apparaissent ensuite sont des dimensions de cette unique chose et tout le monde ne doit pas tout connaître, mais assurément les personnes doivent entrer dans l’intimité et dans l’essentiel, ainsi, les diverses dimensions s’ouvrent aussi avec une joie toujours plus grande. Mais à présent que faire concrètement ? Il me semble que, en parlant du travail pastoral aujourd’hui, nous en avons déjà touché les points essentiels. Mais pour poursuivre dans ce sens, apporter Dieu implique surtout - d’une part - l’amour et - de l’autre - l’espérance et la foi. Donc, la dimension de la vie vécue, le meilleur témoignage pour le Christ, la meilleure annonce est toujours la vie de vrais chrétiens. Si nous voyons comment des familles nourries par la foi vivent dans la joie, comment elles vivent également la souffrance dans une joie profonde et fondamentale, comment elles aident les autres, en aimant Dieu et leur prochain, il me semble que cela est aujourd’hui la plus belle annonce. Même pour moi, l’annonce la plus réconfortante est toujours de voir les familles catholiques ou les personnalités catholiques qui sont pénétrées par la foi : en eux resplendit réellement la présence de Dieu et arrive cette "eau vive" dont vous avez parlé. L’annonce fondamentale est précisément celle de la vie même des chrétiens. Naturellement, il y a ensuite l’annonce de la Parole. Nous devons tout faire pour que la Parole soit écoutée, soit connue. Aujourd’hui, il y a vraiment beaucoup d’écoles de la Parole et du dialogue avec Dieu dans la Sainte Ecriture, un dialogue qui devient nécessairement aussi prière, parce qu’une étude purement théorique de la Sainte Ecriture est une écoute seulement intellectuelle et elle ne serait pas une rencontre véritable et suffisante avec la Parole de Dieu. S’il est vrai que dans l’Ecriture et dans la Parole de Dieu, c’est le Seigneur Dieu Vivant qui parle avec nous, qui provoque la réponse et la prière, alors les écoles de l’Ecriture doivent être également des écoles de la prière, du dialogue avec Dieu, du rapprochement intime avec Dieu. Donc toute l’annonce. Et puis naturellement, les sacrements, dirais-je. Avec Dieu viennent toujours également tous les Saints. C’est important - c’est ce que nous dit l’Ecriture Sainte dès le début - Dieu ne vient jamais seul, mais il vient accompagné et entouré par les Anges et les Saints. Dans le grand vitrail de Saint-Pierre qui représente l’Esprit Saint, j’aime beaucoup le fait que Dieu est entouré par une foule d’anges et d’êtres vivants, qui sont l’expression et l’émanation - pour ainsi dire - de l’amour de Dieu. Avec Dieu, avec le Christ, avec l’homme qui est Dieu et avec Dieu qui est homme, arrive la Vierge. Cela est très important. Dieu, le Seigneur, a une Mère et dans la Mère, nous reconnaissons la bonté maternelle de Dieu. La Vierge, la Mère de Dieu, est l’auxiliaire des chrétiens, elle est notre consolation permanente, elle est notre grande aide. Je vois également cela dans le dialogue avec les Evêques du monde, de l’Afrique et dernièrement également de l’Amérique latine, que l’amour pour la Vierge est la grande force de la catholicité. Dans la Vierge, nous reconnaissons toute la tendresse de Dieu et, donc, cultiver et vivre ce joyeux amour de la Vierge, de Marie, est un très grand don de la catholicité. Et puis il y a les Saints, chaque lieu possède son Saint. Cela est bien, car ainsi nous voyons les multiples couleurs de l’unique lumière de Dieu et de son amour, qui se fait proche de nous. Découvrir les Saints dans leur beauté, dans leur approche de la Parole qui m’est adressée car, chez un Saint déterminé, je peux trouver traduite précisément pour moi la Parole inépuisable de Dieu. Viennent ensuite tous les aspects de la vie paroissiale, même les aspects humains. Nous ne devons pas toujours être dans les nuages, dans les très hauts nuages du Mystère, nous devons avoir également les pieds sur terre et vivre ensemble la joie d’être une grande famille : la petite grande famille de la paroisse ; la grande famille du diocèse, la grande famille de l’Eglise universelle. A Rome, je peux voir tout cela, je peux voir comment des personnes provenant de toutes les régions du monde et qui ne se connaissent pas, en réalité se connaissent, parce qu’elles font toutes partie de la famille de Dieu, elles sont proches parce qu’elles ont tout : l’amour du Seigneur, l’amour de la Vierge, l’amour des Saints, la succession apostolique et le Successeur de Pierre, les Evêques. Je dirais que cette joie de la catholicité, avec ses multiples couleurs, est aussi la joie de la beauté. Nous avons ici la beauté d’un bel orgue ; la beauté d’une très belle église, la beauté qui a grandi dans l’Eglise. Cela me semble un merveilleux témoignage de la présence et de la vérité de Dieu. La Vérité s’exprime dans la beauté et nous devons être reconnaissants pour cette beauté et tenter de faire tout le possible pour qu’elle demeure présente, qu’elle se développe et qu’elle croisse encore. Ainsi il me semble que Dieu arrive, de manière très concrète, au milieu de nous. R. : Merci. Je dirais simplement oui à ce que vous avez dit à la fin. Le catholicisme, de manière un peu simpliste, a toujours été considéré comme la religion du grand et : non de grandes choses qui s’excluent, mais de la synthèse. Catholique veut précisément dire "synthèse". C’est pourquoi je serais contraire à une alternative : ou bien jouer au ballon ou bien étudier l’Ecriture Sainte ou le Droit canonique. Faisons les deux choses. Il est beau de faire du sport, je ne suis pas un grand sportif, mais j’aimais toutefois aller en montagne lorsque j’étais plus jeune encore, à présent je ne fais que des marches très faciles, mais je trouve toujours très beau de marcher ici sur cette belle terre que le Seigneur nous a donnée. Nous ne pouvons donc pas toujours vivre dans la haute méditation, peut-être un Saint sur la dernière marche de son chemin terrestre peut arriver à ce point, mais normalement nous vivons avec les pieds sur terre et les yeux tournés vers le ciel. Les deux choses nous sont données par le Seigneur et donc aimer les choses humaines, aimer les beautés de sa terre non seulement est très humain, mais aussi très chrétien et proprement catholique. Je dirais que - et il me semble l’avoir déjà évoqué tout à l’heure - cet aspect fait aussi partie d’une bonne pastorale réellement catholique : vivre dans l’et et ; vivre l’humanité et l’humanisme de l’homme, tous les dons que le Seigneur nous a offerts et que nous avons développés et, dans le même temps, ne pas oublier Dieu, parce qu’à la fin, la grande lumière vient de Dieu et seulement de Lui vient ensuite la lumière qui donne la joie à tous ces aspects des choses qui existent. Je voudrais donc simplement m’engager pour la grande synthèse catholique, pour ce "et et" ; être vraiment homme et chacun selon ses dons et son son charisme aimer la terre et les belles choses que le Seigneur nous a données, mais être aussi reconnaissants parce que sur la terre resplendit la lumière de Dieu, qui donne splendeur et beauté à tout le reste. Vivons en ce sens joyeusement la catholicité. Voilà quelle serait ma réponse. R. : Oui, nous revenons à cette question des priorités pastorales et comment être prêtre aujourd’hui. Il y a quelques temps, un Evêque français, qui était religieux et n’a donc jamais été prêtre, m’a dit : "Votre Sainteté, je voudrais que vous m’éclairiez sur ce qu’est un curé. Nous, en France, nous avons ces grandes unités pastorales avec 5-6-7 paroisses et le curé devient un coordinateur d’organismes, de travaux différents", mais il lui semblait que, étant tellement occupé par la coordination de ces diverses institutions dont il s’occupait, il n’avait plus la possibilité de la rencontre personnelle avec ses brebis et lui, qui était Evêque, et donc un grand curé, se demandait si ce système était juste ou si nous ne devrions pas retrouver une possibilité afin que le curé soit réellement curé et donc Pasteur de son troupeau. Naturellement, je ne pouvais pas immédiatement donner une recette pour résoudre cette situation de la France, mais le problème se pose en général que le curé, malgré de nouvelles situations et de nouvelles formes de responsabilité, ne doit pas perdre la proximité avec les personnes, être réellement en personne le Pasteur de ce troupeau qui lui est confié par le Seigneur. Les situations sont différentes : je pense aux Evêques dans leurs diocèses avec des situations très diverses ; ils doivent bien voir comment assurer que le curé demeure un Pasteur et ne devienne pas un bureaucrate sacré. Quoi qu’il en soit, il me semble qu’une première opportunité dans laquelle nous pouvons être présents auprès des personnes qui nous sont confiées est précisément la vie sacramentelle : dans l’Eucharistie, nous sommes ensemble et nous pouvons et nous devons nous rencontrer ; le Sacrement de la pénitence et de la réconciliation est une rencontre très personnelle ; tout comme le Baptême qui est une rencontre personnelle et pas seulement au moment d’administrer le Sacrement. Je dirais que ces Sacrements ont tous un contexte : baptiser veut dire d’abord catéchiser un peu cette jeune famille, parler avec elle afin que le Baptême soit aussi une rencontre personnelle et une occasion pour une catéchèse très concrète. Tout comme la préparation à la Première Communion, à la Confirmation et au Mariage sont toujours des occasions où réellement le curé, le prêtre, rencontre lui-même les personnes ; il est le prédicateur et l’administrateur des Sacrements dans un sens qui implique toujours la dimension humaine. Le Sacrement n’est jamais seulement un acte rituel, mais l’acte rituel et sacramentel est le condensé d’un contexte humain dans lequel vit le prêtre, le curé. Il me semble ensuite très important de trouver des systèmes adaptés de délégation. Il n’est pas juste que le curé doive faire seulement le coordinateur d’organismes ; il doit plutôt déléguer de diverses manières et assurément dans les synodes - et dans ce diocèse vous avez réuni le synode - l’on trouve la manière de pouvoir libérer suffisamment le curé, afin que d’un côté, il conserve la responsabilité de cette totalité de l’unité pastorale qui lui est confiée, mais qu’il ne se réduise pas en substance et surtout à un bureaucrate qui coordonne, mais qu’il soit celui qui tient dans la main les fils essentiels, et qu’il ait également des collaborateurs. Il me semble que cela est l’un des résultats importants et positifs du Concile : la coresponsabilité de toute la paroisse : ce n’est plus seulement le curé qui doit tout vérifier mais, puisque nous sommes tous la paroisse, nous devons tous collaborer et aider, afin que le curé ne demeure pas isolé au dessus comme un coordinateur, mais qu’il se trouve réellement en tant que Pasteur aidé dans ces travaux communs dans lesquels, ensemble, se réalise et vive la paroisse. Je dirais donc que - d’un côté - cette coordination est la responsabilité vitale de toute la paroisse et - de l’autre - la vie sacramentelle et l’annonce comme centre de la vie paroissiale pourraient permettre aujourd’hui aussi, dans des circonstances certainement plus difficiles, d’être un curé qui ne connaît peut-être pas chacun par son nom, comme le Seigneur nous dit du Bon Pasteur, mais qui connaît réellement ses brebis et qui est réellement le Pasteur qui les appelle et qui les guide. R. : Merci, c’est une question importante et que je connais très bien. Moi aussi j’ai vécu les temps du Concile, en ayant été dans la Basilique Saint-Pierre avec un grand enthousiasme et voyant comment s’ouvraient de nouvelles portes et que cela paraissait réellement être la nouvelle Pentecôte, où l’Eglise pouvait à nouveau convaincre l’humanité, après l’éloignement du monde de l’Eglise des XIX et XX siècles, il semblait que se rencontraient à nouveau l’Eglise et le monde et que renaissaient à nouveau un monde chrétien et une Eglise du monde et véritablement ouverte au monde. Nous avons tant espéré, mais les choses en réalité se sont révélées plus difficiles. Toutefois demeure le grand héritage du Concile, qui a ouvert une route nouvelle, qui est toujours une magna charta du chemin de l’Eglise tout à fait essentielle et fondamentale. Mais pourquoi les choses sont-elles allées ainsi ? Tout d’abord, je voudrais peut-être commencer avec une remarque historique. Les temps d’un post-Concile sont presque toujours très difficiles. Après le grand Concile de Nicée - qui est pour nous réellement le fondement de notre foi, en effet nous confessons la foi formulée à Nicée - n’a pas vu le jour une situation de réconciliation et d’unité comme l’avait espéré Constantin, promoteur de ce grand Concile, mais une situation réellement chaotique de conflits de tous contre tous. Saint Basile dans son livre sur l’Esprit Saint compare la situation de l’Eglise après le Concile de Nicée à une bataille navale de nuit où personne ne connaît plus l’autre, mais tous sont contre tous. C’était réellement une situation de chaos total : ainsi saint Basile décrit-il avec des couleurs fortes le drame de l’après-Concile, de l’après-Nicée. Puis cinquante ans après, lors du le Premier Concile de Constantinople, l’empereur invite saint Grégoire de Nazianze à participer à celui-ci et saint Grégoire de Nazianze répond : Non je ne viens pas, parce que je connais ces choses, je sais que de tous les Conciles naissent seulement confusion et conflits, et donc je ne viens pas. Et il n’y est pas allé. Ainsi, ce n’est pas maintenant rétrospectivement une surprise tellement grande comme elle l’était pour nous dans un premier temps d’assimiler le Concile, ce grand message. L’insérer dans la vie de l’Eglise, le recevoir pour qu’il devienne vie de l’Eglise, le mettre en œuvre dans les diverses réalités de l’Eglise, est une souffrance, et c’est seulement dans la souffrance que se réalise également la croissance. Croître signifie toujours aussi souffrir, parce que c’est sortir d’un état et passer dans un autre. Et dans le concret de l’après-Concile, nous devons constater qu’il y a deux grandes césures historiques. Dans l’après-Concile, la césure de 1968, le début ou l’explosion - dirais-je - de la grande crise culturelle de l’Occident. La génération de l’après-guerre s’était éteinte, une génération qui après toutes les destructions et en voyant l’horreur de la guerre, des combats et en constatant le drame de ces grandes idéologies qui avaient réellement conduit les personnes vers le gouffre de la guerre, nous avions redécouvert les racines chrétiennes de l’Europe et nous avions commencé à reconstruire l’Europe sur ces grandes inspirations. Mais avec la fin de cette génération, on constatait également tous les échecs, les lacunes de cette reconstruction, la grande misère dans le monde et ainsi commença, explosa la crise de la culture occidentale, je dirais une révolution culturelle qui veut changer radicalement. Elle dit : non n’avons pas créé en deux mille ans de christianisme un monde meilleur. Nous devons reprendre à zéro de manière absolument nouvelle ; le marxisme semble la recette scientifique pour créer finalement le nouveau monde. Et là, - disons - dans ce grave et grand conflit entre la nouvelle et saine modernité, voulue par le Concile, et la crise de la modernité, tout devient difficile comme après le Concile de Nicée. Une partie était de l’avis que cette révolution culturelle était ce qu’avait voulu le Concile, elle confondait cette nouvelle révolution culturelle marxiste avec la volonté du Concile ; elle disait : c’est cela le Concile. Dans leur lettre, les textes sont encore un peu désuets, mais derrière les paroles écrites, il y a cet esprit, telle est la volonté du Concile, nous devons faire ainsi. Et de l’autre côté, naturellement, la réaction : de cette manière, vous détruisez l’Eglise. La réaction - disons - absolue contre le Concile, l’anti-conciliarité et - disons - une timide, humble recherche d’appliquer le véritable esprit du Concile. Et comme le dit le proverbe "Si tombe un arbre, il fait beaucoup de bruit, si pousse une forêt l’on n’entend rien parce que se développe un processus sans bruit" et donc durant ces grands bruits du progressisme erroné, de l’anti-conciliarisme, le chemin de l’Eglise grandit très silencieusement, avec beaucoup de souffrance et aussi avec tant de pertes dans la construction d’un nouveau passage culturel. Zenit.org, 2006. Tous droits réservés - Pour connaitre les modalités d´utilisation vous pouvez consulter : www.zenit.org ou contacter infosfrench@zenit.org - Pour recevoir les news de Zenit par mail vous pouvez cliquer ici |